Coopération éducative Maroc-Congo
Le hall lumineux du ministère de l’Enseignement supérieur a récemment réuni familles, autorités et diplomates pour la remise de soixante-dix bourses d’études offertes par le Royaume du Maroc aux jeunes Congolais, matérialisant une coopération bilatérale qui s’appuie désormais sur la formation des savoirs.
La cérémonie, présidée par la ministre Delphine Edith Emmanuel, a mis l’accent sur la confiance accordée à la jeunesse, considérée comme actrice centrale des transformations sociales futures, qu’il s’agisse de transition énergétique, de sécurité alimentaire ou de consolidation d’une société plus égalitaire.
En saluant le partenariat, l’ambassadeur Ahmmed Agargi a rappelé que « l’éducation reste le meilleur outil pour affronter les crises climatiques et sécuritaires ». Selon lui, la mobilité étudiante Sud-Sud incarne une stratégie complémentaire aux plans nationaux de développement adoptés à Brazzaville depuis 2022.
Bourses et égalité femmes-hommes
Au-delà des chiffres, ces bourses constituent un vecteur d’empowerment féminin, car près de la moitié des récipiendaires sont des jeunes femmes, un taux supérieur à la moyenne des inscriptions universitaires nationales, encore plombée par les abandons liés aux mariages précoces et à la précarité.
La ministre a tenu à rappeler l’importance d’un accompagnement spécifique : mentorat, suivi psychologique et réseaux d’entraide sont envisagés pour sécuriser le parcours des étudiantes à Rabat, Fès ou Marrakech, afin qu’aucune violence sexiste ou discrimination ne vienne compromettre leur réussite académique et personnelle.
Cette orientation rejoint les engagements internationaux du Congo en matière d’égalité de genre, notamment la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, que le pays applique progressivement à travers des programmes de sensibilisation dans les universités publiques.
Pour la sociologue Émilienne Mabiala, le fait de partir étudier à l’étranger confère aux jeunes femmes un capital social précieux : « Elles reviennent souvent avec une conscience aiguë de leurs droits et un réseau professionnel mixte qui renforce leur protection face aux violences sexistes ».
Former les compétences stratégiques nationales
Les filières retenues reflètent les priorités économiques affichées par Brazzaville : génie civil, agronomie durable, cybersécurité, mais aussi sciences infirmières, secteur où la demande reste forte dans les districts sanitaires ruraux, selon les chiffres du ministère de la Santé publiés en janvier.
A moyen terme, le gouvernement souhaite atteindre un taux d’encadrement universitaire de trente-cinq enseignants pour mille étudiants, contre vingt-deux actuellement. Les lauréats formés au Maroc pourront ainsi être recrutés comme assistants, limitant la fuite des cerveaux tout en dynamisant la production scientifique locale.
Du côté marocain, l’accueil d’étudiants issus d’Afrique centrale consolide la position du royaume comme hub académique régional. Selon le Conseil supérieur de l’éducation, dix-sept pour cent des inscrits étrangers proviennent déjà de la zone Cemac, un pourcentage en constante progression depuis 2018.
Parcours et ambitions des lauréats
Parmi les bénéficiaires, Nathan Ballard Moussy, futur ingénieur en génie électrique, décrit la bourse comme « un passeport pour servir mon pays ». Il prévoit d’intégrer, à son retour, la société Energie électrique du Congo, afin d’améliorer la maintenance des réseaux isolés.
Hope Théresia Tsono Kosso, inscrite en biotechnologies, se réjouit de rejoindre une université marocaine classée dans le Top-10 africain. « J’aimerais travailler sur la valorisation des plantes médicinales congolaises », explique-t-elle, convaincue que la recherche peut contribuer à la souveraineté sanitaire nationale.
Leurs familles, venues de Pointe-Noire et d’Oyo, saluent l’appui psychosocial fourni par les autorités congolaises : un numéro vert d’assistance, une session de sensibilisation sur les droits des étudiantes à l’étranger et des assurances santé négociées collectivement avec le partenaire marocain.
Pour l’analyste politique Gratien Bantsimba, « ces jeunes deviennent des ambassadeurs culturels ». Il estime que leurs récits réussis contribueront à modifier les représentations parfois stéréotypées du Congo, renforçant ainsi l’attractivité du pays pour les investisseurs orientés vers les secteurs innovants.
Vers un modèle durable de diplomatie éducative
Dans un contexte africain marqué par la multiplication des partenariats éducatifs, l’axe Brazzaville-Rabat s’impose comme un modèle de coopération Sud-Sud. Les deux États partagent la conviction que la circulation des compétences, plutôt que leur captivité, constitue un moteur crédible de développement.
La diplomatie éducative se double ici d’une diplomatie climatique : plusieurs lauréats travailleront sur les énergies renouvelables, thème également au cœur du Plan national de développement 2022-2026. Ce croisement d’agendas confère au programme une valeur stratégique saluée par les partenaires internationaux.
À court terme, un comité mixte de suivi évaluera l’insertion des diplômés, tandis qu’un portail en ligne permettra de cartographier leurs compétences. Une façon transparente d’associer la société civile, dont les ONG de défense des femmes, à la mesure des retombées concrètes.
Si les objectifs sont atteints, les autorités envisagent déjà d’élargir le dispositif à cent bourses par an d’ici 2026, avec un quota paritaire strict. Ce scénario renforcerait l’image d’un Congo engagé dans la formation inclusive de ses cadres et de ses chercheuses.











