Des valises pleines d’algorithmes à l’aéroport Maya-Maya
Le 18 juillet, la salle d’embarquement de l’aéroport international Maya-Maya a brièvement pris des allures de laboratoire numérique. Dix jeunes Congolais, fraîchement auréolés du prix Denis Sassou Nguesso de l’innovation, y ont salué une dernière fois leurs proches avant de mettre le cap sur la République populaire de Chine. Leur destination : Dongguan et Shenzhen, écosystèmes où, depuis trois décennies, se fabrique une part croissante de l’imaginaire technologique mondial. Leur objectif : représenter la nation au concours Tech4Good, compétition internationale orchestrée par Huawei autour de l’usage citoyen des technologies de l’information et de la communication.
Jeunesse congolaise et diplomatie numérique
Sélectionnés parmi 380 candidatures par un jury associant pouvoirs publics, universitaires et secteur privé, ces lauréats incarnent une diplomatie non seulement culturelle mais pleinement numérique. « Nous voulons que vous reveniez non seulement avec des trophées, mais surtout avec des idées actionnables », a déclaré le ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique, Léon Juste Ibombo, lors d’une réception officielle la veille du départ. Le propos, volontiers pragmatique, traduit l’orientation donnée par Brazzaville : faire de la jeunesse un relais d’influence soft power, mais également un levier concret de transformation socio-économique.
Un pont technologique entre Brazzaville et Shenzhen
Le partenariat stratégique scellé depuis neuf ans avec Huawei sert de colonne vertébrale à cette ambition. L’industriel chinois, déjà engagé dans le déploiement d’infrastructures 4G et de réseaux de fibre optique au Congo, mobilise son programme mondial Seeds for the Future pour accueillir les lauréats au sein de ses centres de recherche. Au programme : ateliers d’intelligence artificielle, protocoles d’Internet des objets et réflexion sur la sobriété énergétique des data centers. Cette immersion crée un pont inédit entre les préoccupations locales – amélioration des services publics, inclusion financière des zones rurales – et l’avant-garde technologique mondialisée.
Seeds for the Future, incubateur de compétences
Lancé en 2008, Seeds for the Future a déjà formé plus de 15 000 étudiants dans 139 pays. En s’insérant dans ce réseau, les talents congolais obtiennent un capital social précieux : accès à des mentors internationaux, visibilité auprès d’investisseurs et, surtout, confrontation d’idées au sein d’équipes pluridisciplinaires. Pour Ruth Dzio, jeune ingénieure en génie numérique et porteuse du projet « Citex », le défi est clair : convertir en solution exportable son concept de base de connaissances tacites devenue explicite, afin d’accompagner la formalisation des savoirs au sein des PME congolaises. « Notre tissu économique souffre moins d’un manque d’idées que d’un déficit de structuration de l’information », confie-t-elle.
L’innovation comme levier de souveraineté économique
Dans un contexte marqué par la mise en œuvre du Plan national de développement 2022-2026, l’exécutif congolais considère l’économie numérique comme un secteur multiplicateur, susceptible de stimuler la productivité dans l’agriculture, l’énergie ou la logistique. La distinction Denis Sassou Nguesso, adossée à Tech4Good, s’inscrit dès lors dans une logique de souveraineté : encourager des solutions nées en Afrique centrale pour répondre à des défis locaux, tout en cultivant des normes compatibles avec les standards internationaux. Le tout, sans occulter la nécessité d’une régulation éthique des données personnelles et d’un accès équitable aux ressources spectrales.
Vers un retour d’expérience structurant
Au-delà de la médaille, les autorités attendent des lauréats un transfert de compétences organisé. Des « laboratoires vivants » doivent être mis en place à leur retour, afin de mutualiser les recherches et d’essaimer dans les universités régionales. Cette démarche de capitalisation s’aligne sur les recommandations de l’Union africaine en faveur d’une économie de la connaissance panafricaine. Les premiers échanges envisagent des séminaires itinérants, une plateforme open source multilingue et un accompagnement entrepreneurial pour transformer les prototypes primés en chaînes de valeur pérennes.
Perspectives régionales et globales
La participation congolaise au challenge Tech4Good répond ainsi à une double logique : insertion dans la globalisation technologique et consolidation d’une identité numérique propre. Sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, Brazzaville explore la convergence entre innovation et coopération Sud-Sud, dans la conviction que la prochaine génération de solutions aux défis climat-santé-gouvernance pourrait bien éclore au cœur du bassin du Congo. À Shenzhen, les dix jeunes ambassadeurs porteront cette hypothèse, convaincus que le futur ne se prédit pas, il se programme – en code source ouvert, de préférence.