Une décennie scellée sous le signe de la diplomatie économique
Le 11 juillet 2025, l’esplanade moderne du siège de la Banque Sino-Congolaise pour l’Afrique vibrait au rythme des discours institutionnels et des échanges protocolaires. La présence conjointe du Premier ministre Anatole Collinet Makosso, de l’ambassadeur de Chine et du directeur général de l’Agricultural Bank of China Wang Zhiheng a souligné combien l’établissement constitue bien davantage qu’une simple structure de crédit : il incarne, depuis son inauguration le 1er juillet 2015, la matérialisation d’un partenariat politique scellé deux ans plus tôt lors de la visite à Brazzaville du président Xi Jinping, à l’invitation du chef de l’État Denis Sassou Nguesso. Dans un environnement sous-régional en quête d’intermédiation financière robuste, la BSCA Bank apparaît désormais comme un point nodal de la diplomatie économique sino-congolaise.
Des indicateurs financiers en constante progression
En dix exercices, l’établissement a opéré une montée en puissance jugée « incontournable » par le ministre des Finances Christian Yoka. Détenant 20,19 % des dépôts du système bancaire national, la banque se positionne en tête pour la collecte de l’épargne, tandis qu’elle occupe la deuxième place pour la distribution de crédits au secteur privé (14,96 %) et le financement direct de l’État (18,13 %). Ces chiffres, extraits du rapport 2024 de la Banque centrale du Congo, témoignent d’une capacité d’allocation des ressources qui soutient l’investissement productif, notamment dans les infrastructures, l’agro-industrie et la logistique portuaire, secteurs considérés comme prioritaires par le Plan national de développement 2022-2026.
Une gouvernance hybride, miroir d’un capital humain diversifié
La spécificité de la BSCA Bank réside également dans son capital social mixte, associant l’Agricultural Bank of China, l’État congolais et des partenaires privés locaux. Sur le plan des ressources humaines, l’effectif est passé de 39 collaborateurs en 2015 à 200 en 2025, avec 85 % de personnels congolais. Cette conformation répond au double impératif d’ancrage territorial et de transfert de compétences. « Notre ambition est de former une génération de professionnels bancaires capables de dialoguer simultanément avec les places financières africaines et asiatiques », confie un cadre dirigeant, soulignant que la rotation périodique d’experts chinois favorise l’instauration de standards internationaux de gestion des risques.
Troisième plan quinquennal : l’heure des choix stratégiques 2026-2030
Conformément à l’annonce du ministre des Finances, les équipes travaillent à un troisième plan quinquennal visant à consolider l’assise numérique de la banque, étendre le réseau d’agences à l’intérieur du pays et approfondir l’offre de financement vert. Les projections internes anticipent un doublement du volume de crédits alloués aux PME, segment jugé crucial pour la diversification de l’économie nationale. D’après un consultant indépendant de la place, l’enjeu résidera dans la capacité à équilibrer soutenabilité macroéconomique, exigences prudentielles de la Commission bancaire d’Afrique centrale et besoins de rentabilité propre à l’actionnaire majoritaire asiatique.
Impact macroéconomique et souveraineté financière
L’affirmation de la BSCA Bank intervient au moment où le Congo-Brazzaville s’efforce de contenir l’endettement public tout en finançant d’importantes infrastructures. Le recours à une institution où l’État congolais demeure actionnaire influe sur la maîtrise des flux financiers, en renforçant la souveraineté monétaire dans l’espace CEMAC. Les économistes interrogés pointent cependant la nécessité de diversifier les sources de capitaux pour éviter une dépendance excessive envers un unique partenaire stratégique. L’exemple de la syndication organisée en 2024 pour la modernisation du port de Pointe-Noire illustre néanmoins la faculté de la BSCA Bank à agréger bailleurs régionaux et institutions chinoises au service d’un projet commun.
Vers une projection régionale, entre synergies et vigilance
Forte de sept agences et d’une base clientèle dépassant les 120 000 comptes, la banque envisage désormais une implantation dans les corridors commerciaux reliant Brazzaville à Kinshasa et à Bangui. Cette stratégie, conforme aux orientations de la Zone de libre-échange continentale africaine, pourrait renforcer la connexion des circuits d’exportations congolaises à la demande asiatique. Elle pose toutefois la question de la régulation transfrontalière et de la cybersécurité, problématiques que le futur plan stratégique promet d’aborder, en coordination avec la Banque centrale et les autorités de supervision des pays voisins.
Une institution au croisement de la confiance et de l’avenir
Dix ans après sa création, la BSCA Bank cristallise les ambitions partagées de Brazzaville et de Pékin : soutenir l’industrialisation, fluidifier les échanges commerciaux et promouvoir l’inclusion financière. Le dialogue permanent entre autorités congolaises et partenaires chinois, nourri par une convergence de vues sur la stabilité macroéconomique, laisse présager un appui continu du gouvernement, comme l’a rappelé le Premier ministre. À l’aube du prochain cycle quinquennal, l’établissement apparaît ainsi comme un laboratoire d’intégration bancaire Sud-Sud, dont la réussite pèsera sans doute sur la perception internationale de la place financière congolaise.