Contexte sanitaire et enjeux de genre
Dans les services d’obstétrique congolais, l’hémorragie du post-partum reste l’une des premières causes de décès maternel selon les statistiques du ministère de la Santé, un indicateur alarmant dans un pays où près de quatre accouchements sur dix nécessitent un apport transfusionnel d’urgence.
Les disparités de genre accentuent cette vulnérabilité: les complications obstétricales touchent principalement les femmes rurales, souvent éloignées des structures capables de fournir du sang sécurisé, ce qui augmente le risque de violence obstétricale par l’attente, la douleur et la culpabilisation implicite des patientes.
Face à cette réalité, le gouvernement congolais a accéléré la mise en œuvre du projet Kobikissa, une initiative soutenue par la Banque mondiale pour moderniser la chaîne de transfusion et réduire la mortalité, sans négliger l’approche genre préconisée par les agences onusiennes.
Des équipements stratégiques pour la chaîne du sang
L’annonce du 19 août, faite par le ministre Jean-Rosaire Ibarra, marque une étape: fauteuils ergonomiques, tubuleuses de scellage et quarante-six mille poches stériles arrivent dans les couloirs blancs du Centre national de transfusion sanguine, principal pivot de collecte et de distribution.
Ces équipements rejoignent trois départements périphériques, Sangha, Plateaux et Nkéni-Alima, où les formations sanitaires manquaient encore de réfrigération adaptée et de consommables, limitant jusqu’alors la mise en réserve de concentrés globulaires pour les femmes anémiées et les nouveau-nés en danger.
Le coordonnateur du projet, Mbon Darius Essié, rappelle que chaque poche distribuée «peut sauver deux vies, la mère et l’enfant», une formule devenue slogan dans les couloirs du Cnts où techniciens et sages-femmes apprennent à gérer les stocks selon les standards internationaux.
Impact direct sur la mortalité maternelle
Les projections de la Direction générale des soins indiquent qu’un approvisionnement constant pourrait réduire de 25 % les décès post-accouchement d’ici trois ans, un bond significatif vers l’atteinte de l’Objectif de développement durable numéro trois sur la santé maternelle.
Une amélioration de la couverture transfusionnelle participe également à la lutte contre l’anémie ferriprive, identifiée par l’Unicef comme facteur de vulnérabilité aux violences basées sur le genre: la fatigue chronique réduit la capacité de se défendre ou de fuir les environnements hostiles.
En renforçant l’accès au sang sécurisé, l’État répond donc à un double impératif sanitaire et sociétal, car chaque femme ayant survécu à une hémorragie post-partum devient un maillon essentiel de la cohésion familiale, condition reconnue de la stabilité communautaire selon de récentes études régionales.
Témoignages du terrain
À l’hôpital de Talangaï, la sage-femme Ernestine Bissila se souvient d’une nuit où quatre poches ont été livrées en moins de trente minutes: «Sans ce stock, j’aurais perdu la patiente», confie-t-elle, soulignant l’effet psychologique positif sur les équipes.
Du côté des bénéficiaires, Colette, 23 ans, raconte avoir reçu deux unités après un accouchement hémorragique: «Je pouvais à peine tenir mon bébé; avec la transfusion, j’ai repris des forces et j’ai eu le courage de dénoncer des violences conjugales subies auparavant.»
Ces témoignages démontrent l’effet domino: un service de sang efficient agit comme catalyseur d’empowerment féminin, permettant aux patientes de se réapproprier leur corps et leur parole, une étape essentielle pour rompre le silence entourant les violences sexistes.
La place des partenaires et du financement
Le financement de 50 millions de dollars alloué par la Banque mondiale couvre l’achat de matériels, la maintenance et la formation de 300 techniciens, un aspect souvent négligé, mais fondamental pour garantir la qualité biologique du sang et la traçabilité des lots.
Le ministère de la Santé, pour sa part, s’engage à inscrire ces lignes budgétaires dans la durée afin d’éviter l’effet «projet-éphémère» fréquemment observé dans le secteur, engagement salué par le Programme des Nations unies pour le développement.
Défis logistiques et formation continue
Malgré les avancées, le Cnts doit encore relever le défi du transport sous-régional: certaines routes restent impraticables en saison des pluies, rallongeant les délais d’acheminement et menaçant la chaîne du froid indispensable à la conservation des concentrés érythrocytaires.
Le professeur Ibarra mise sur la télé-formation pour réduire l’isolement technique des centres provinciaux; des modules virtuels de bonne pratique transfusionnelle seront diffusés chaque mois, accompagnés d’un système d’audit participatif, afin de renforcer la responsabilisation des équipes locales.
Vers une santé reproductive inclusive
À moyen terme, la stratégie nationale entend inscrire le don bénévole dans les programmes d’éducation civique, valorisant l’altruisme comme vecteur de cohésion et de prévention des violences, car une communauté qui donne protège aussi les plus vulnérables, rappellent les sociologues de l’université Marien-Ngouabi.
Conjuguée à la modernisation des infrastructures, cette approche globale pourrait transformer en profondeur la trajectoire sanitaire et sociale des femmes congolaises, offrant un futur où donner la vie ne rime plus avec danger et où chaque poche de sang devient un acte de justice.
La société civile, portée par des ONG féministes, envisage d’accompagner le dispositif par des collectes mobiles dans les universités et marchés, convaincue que la sensibilisation de proximité favorisera la culture du don et rappellera que la santé des femmes concerne toute la nation.











