Publié par 20h41 Actualités

Thomono: la savonnière de 22 ans illumine Brazza

Une scientifique devenue entrepreneure

À Brazzaville, le nom de Divine Thomono circule de bouche à oreille sur les campus et dans les salons d’esthétique. À seulement vingt-deux ans, la diplômée en procédés industriels alimentaires a transformé son mémoire universitaire en une micro-entreprise de cosmétique artisanale.

Son entreprise, Thomono Maison artisanale, fabrique des savons antiseptiques et des parfums d’ambiance à partir de citronnelle. Au-delà de l’innovation, la jeune femme entend démontrer qu’une filière locale, durable et féminisée peut répondre aux besoins dermatologiques d’une population urbaine en quête de produits sûrs.

Pour comprendre son ascension, nous l’avons rencontrée dans son petit atelier du quartier Moukondo, où les fioles d’huiles essentielles côtoient les béchers hérités des travaux pratiques. Entre odeurs citronnées et crépitement des cuves, Divine raconte comment la science peut s’allier à l’entrepreneuriat féminin.

La citronnelle, fil d’Ariane écologique

La citronnelle pousse en abondance sur les terrains vagues du bassin du Congo. Pourtant, son huile, riche en citral, reste peu exploitée par l’industrie. « J’ai vu un gisement de valeur ignoré », confie-t-elle, rappelant que la plante possède des propriétés répulsives, antiseptiques et antifongiques.

Sous l’angle sociologique, valoriser cette ressource signifie relocaliser une partie de la chaîne cosmétique et renforcer la souveraineté économique. Les extraits végétaux sont achetés à des collectifs de cueilleuses, créant, selon Divine, « des emplois qui rémunèrent justement des savoirs transmis par les aînées ».

Le procédé reste artisanal mais répond à des normes basiques de contrôle. Chaque lot subit un dosage d’acidité et un test microbiologique. « Ces protocoles rassurent le consommateur sans alourdir le prix final », assure la fondatrice, qui revendique un positionnement entre cosmétique naturelle et hygiène publique.

Des produits pensés pour les peaux sensibles

Les savons Thomono ciblent d’abord les peaux grasses, sujettes à l’acné, fréquentes sous climat équatorial. L’action combinée de la soude végétale, de l’huile de palme désodorisée et de l’extrait de citronnelle diminue la production sébacée tout en évitant l’effet décapant des formules industrielles standardisées.

Pour les épidermes sensibles, une seconde gamme enrichie en beurre de karité mise sur l’apport en acides gras et en vitamine E. Les tests informels menés auprès d’étudiantes et de sportifs ont montré, selon Divine, « moins de démangeaisons, pas d’irritations, et un teint plus uniforme ».

Les parfums d’ambiance à la citronnelle complètent l’offre: quelques gouttes sur les rideaux diffusent une odeur fraîche tout en éloignant les moustiques, point crucial dans un pays où le paludisme reste endémique. L’approche combine ainsi soin individuel et prévention sanitaire communautaire.

Entre défis logistiques et ambitions sociales

La viabilité économique d’une jeune marque repose cependant sur le packaging et la visibilité. Thomono utilise encore des sachets plastiques, faute de fournisseurs locaux de carton calibré. « Je veux migrer vers un emballage compostable pour rester cohérente avec le discours écologique », affirme-t-elle.

Le marketing constitue l’autre bataille. Dans un marché dominé par les annonceurs internationaux, l’auto-entrepreneuse mise sur les réseaux sociaux et les points de vente éphémères. Son comptoir principal, Africa Shop, au cœur de Brazzaville, attire surtout une clientèle instruite, adepte d’achats responsables.

Pour pallier l’absence de budget publicitaire, la start-up collabore avec des influenceuses beauté basées à Pointe-Noire, qui testent les savons en direct sur Instagram Live. Les audiences, pouvant atteindre cinq mille connexions, illustrent l’appétence d’une jeunesse connectée pour des références made in Congo.

Pour augmenter la production, elle envisage l’acquisition d’un blender industriel et la formation d’une première employée. L’objectif est de passer de cinquante à deux cents unités par semaine et d’entrer, à moyen terme, dans les rayons de pharmacies et de supermarchés nationaux.

Des organisations d’appui à l’entrepreneuriat féminin ont déjà identifié le potentiel du projet. Une responsable de la Chambre de commerce, contactée, parle d’une « initiative emblématique d’une nouvelle génération qui conjugue substance scientifique et ancrage culturel ». Des discussions sur d’éventuelles subventions seraient en cours.

Perspectives pour la cosmétique locale

Si la jeune marque réussit son passage à l’échelle, elle pourrait inspirer d’autres chimistes congolaises à valoriser les pharmacopées locales. Le professeur Mouanda, sociologue de la santé à l’Université Marien-Ngouabi, y voit « un laboratoire de développement endogène, centré sur les ressources et les savoirs féminins ».

La dynamique s’inscrit aussi dans la stratégie nationale de diversification économique, qui encourage les initiatives agro-industrielles vertes. En favorisant des circuits courts, le segment cosmétique peut contribuer à réduire la dépendance aux importations tout en créant des emplois qualifiés dans les quartiers périphériques.

Reste le défi de la normalisation. Les associations de consommateurs demandent un cadre d’homologation plus lisible pour les produits artisanaux. Divine se dit prête à soumettre ses formules au Laboratoire national de santé publique afin de garantir traçabilité et conformité aux standards internationaux.

En attendant, les flacons alignés sur l’étagère témoignent d’un pari: faire dialoguer laboratoire et tradition, ville et campagne, besoins dermatologiques et économie circulaire. À Brazzaville, beaucoup scrutent désormais le parcours de Thomono Maison artisanale, symbole d’une cosmétique locale aux ambitions globales.

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Étiquettes : , , Last modified: 21 août 2025
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