Un forum au cœur de Pointe-Noire
Trois jours durant, la grande salle du Cercle culturel de Pointe-Noire a vibré au rythme des ateliers du Forum horizon initiative et créativité. Plus de 500 participants, venus des six districts et de l’intérieur du pays, ont échangé sur la création d’entreprises ancrées dans les réalités locales.
Placée sous le patronage du Premier ministre Anatole Collinet Makosso, la 5ᵉ édition a confirmé l’engagement institutionnel pour l’emploi. « Tous les enfants doivent réussir », a-t-il martelé, rappelant que l’innovation citoyenne complète les politiques publiques sans jamais s’y substituer.
Chômage des jeunes : un défi national
Selon la Banque mondiale, près d’un jeune Congolais sur deux cherche un travail décent. À Pointe-Noire, capitale économique, ce constat se ressent davantage dans les quartiers périphériques où les activités pétrolières offrent peu de retombées directes pour la population non qualifiée.
Le forum a donc insisté sur la diversification. Les organisateurs ont multiplié les échanges sur l’agro-transformation, le numérique ou l’artisanat. Des secteurs compatibles avec les objectifs climatiques et susceptibles d’absorber une main-d’œuvre nombreuse, féminisée et souvent diplômée.
Femmes entrepreneures, moteur silencieux
La présidente du Fhic, Aline France Etokabeka, a souligné la « créativité résiliente » des femmes. À ses yeux, leur accès au crédit reste entravé par l’absence de garanties matérielles, bien que les dossiers soient jugés plus fiables une fois financés.
Pour Evelyne Tchitchelle, maire de Pointe-Noire, « l’autonomisation économique réduit la vulnérabilité aux violences sexistes ». La corrélation est documentée par plusieurs études régionales montrant qu’un revenu stable accroît le pouvoir de négociation au sein du foyer (ONU Femmes).
Des tables rondes ont détaillé les mécanismes du Fonds d’impulsion, de garantie et d’accompagnement. Les conseillers ont expliqué comment constituer un historique bancaire, adapter les business plans aux critères ESG et tisser des réseaux de mentorat afin d’éviter l’isolement entrepreneurial.
Synergie public-privé pour l’inclusion
Le Fhic mise sur la complémentarité entre institutions et secteur privé. Les représentants de sociétés pétrolières locales ont présenté leurs programmes de sous-traitance réservant 20 % des marchés aux PME dirigées par des Congolais.
De son côté, le Ministère de l’Enseignement technique a rappelé l’ouverture de filières courtes en maintenance industrielle et en coding. L’objectif est de rapprocher les formations des besoins immédiats afin de réduire le décrochage post-diplôme, souvent premier facteur d’exode urbain.
La Direction générale des PME a, pour la première fois, proposé un guichet unique mobile. Le camion administratif, stationné devant le forum, a permis de créer légalement 127 micro-entreprises en 72 heures, un gain de temps salué par les participants.
Témoignages de terrain
Mireille, 29 ans, a présenté sa marque de farine de manioc enrichie en moringa. « Sans la garantie Figa, je n’aurais jamais pu acheter mon déshydrateur », confie-t-elle. Son unité emploie désormais huit femmes du quartier Mboukou.
Pour Alain, diplômé en génie civil, le forum a été l’occasion de nouer un partenariat avec un incubateur spécialisé dans le recyclage des gravats. « La ville est un chantier permanent ; transformer les déchets en pavés est rentable et écologique », explique-t-il.
Plus symbolique, la coopérative féminine Mvukani a reçu le prix de la créativité pour ses savons à base d’huile de palmiste. Le jury a mis en avant la traçabilité de la filière, garantissant à chaque exploitante un revenu régulier et formalisé.
Perspectives durables pour 2024
Le comité d’organisation projette d’implanter des antennes départementales afin de suivre les lauréats. Un tableau de bord en open data permettra de visualiser l’évolution des emplois créés et des chiffres d’affaires déclarés, favorisant la transparence et l’évaluation.
Les partenaires techniques ont insisté sur la nécessité de programmes de renforcement de capacités axés sur la gestion financière. Nombre de jeunes entreprises échouent non par manque de marché, mais par défaut de gouvernance interne, un constat partagé par la Banque africaine de développement.
À horizon 2024, le Fhic souhaite autonomiser au moins 2 000 femmes supplémentaires. « Chaque bénéficiaire deviendra à son tour mentor d’une autre porteuse de projet », détaille Aline France Etokabeka, convaincue de l’effet multiplicateur des réseaux de soutien.
Dans un contexte où la diversification économique est encouragée par les autorités, l’initiative demeure alignée avec le Plan national de développement qui accorde une place centrale aux PME et à l’économie verte.
Au terme de ces journées, les participants ont quitté Pointe-Noire avec un double message : la créativité est l’affaire de tous, et l’inclusion économique constitue un rempart contre la précarité et les violences sexistes. Reste désormais à transformer l’élan en résultats quantifiables.
