Paix mondiale et sécurité des femmes
Dans un monde où les lignes de pouvoir se recomposent sans cesse, les conflits armés et les catastrophes humanitaires touchent en premier lieu les femmes. Leur sécurité physique, leur accès aux soins et leur autonomie économique deviennent des indicateurs précis de la solidité d’un processus de paix.
Selon l’Observatoire congolais de la féminisation des crises, plus de 60 % des déplacées internes signalent des violences sexuelles pendant les mouvements de population. Ce chiffre rappelle qu’aucun cessez-le-feu ne peut être considéré comme durable si les corps des femmes demeurent des champs de bataille silencieux.
La paix n’est donc pas seulement absence de tirs. Elle suppose que chaque citoyenne puisse circuler, travailler, rêver et dénoncer sans peur. Comme l’a résumé une médiatrice communautaire de Ouesso : « Tant que nos sœurs se terrent la nuit, la paix reste inachevée ».
Le rôle pivot des institutions congolaises
A Brazzaville, la Commission nationale des droits de l’homme a placé la prévention des violences sexistes au cœur de son dernier plan stratégique. Ses juristes collaborent avec les forces de l’ordre pour standardiser les procédures de plainte et limiter les violences secondaires au moment des auditions.
Le gouvernement, appuyé par plusieurs ministères, déploie depuis 2022 des cellules d’écoute dans les hôpitaux de district. Ces espaces offrent soutien psychologique, certificats médicaux et orientation juridique. Leur fréquentation, passée de 1 200 à 4 800 femmes par an, révèle une demande longtemps contenue.
Des ONG locales saluent ces avancées tout en plaidant pour un budget consolidé. L’Observatoire congolais de la parité estime que porter l’allocation annuelle à 0,8 % des dépenses publiques permettrait de financer des refuges sécurisés dans chaque département et de former 2 000 intervenants supplémentaires.
La contribution de l’Eglise et de la société civile
Longtemps perçue comme simple vecteur caritatif, l’Eglise catholique congolaise développe une approche plus programmatique. Inspirée de la doctrine sociale rappelée par Mgr Batantou il y a dix ans, elle anime aujourd’hui cinquante comités paroissiaux dédiés à la prévention des violences faites aux femmes.
Ces comités organisent des cercles de parole, des ateliers d’autodéfense et un dialogue permanent avec les chefs de quartier. Selon la sœur Clarisse Mafoua, responsable à Pointe-Noire, « l’écoute spirituelle n’a d’effet que si elle s’accompagne d’un ticket de bus vers le commissariat ».
D’autres confessions et organisations féministes, telles la Plateforme Agir pour Elle, conjuguent leurs réseaux pour assurer un suivi post-jugement. Cette coopération intersectorielle, reconnue par le ministère des Affaires sociales, illustre la capacité d’encadrement communautaire dans un contexte de ressources financières parfois contraintes.
Éducation, justice et prévention des violences
Le programme scolaire révisé en 2023 introduit un module intitulé « Citoyenneté et égalité de genre ». Conçu par le ministère de l’Éducation et l’UNESCO, il encourage le débat en classe sur les stéréotypes, le consentement et les formes de violence psychologique souvent banalisées dans la sphère privée.
Du côté judiciaire, la Chambre spéciale pour les crimes liés au genre tient désormais audience tous les trimestres. En dix-huit mois, elle a rendu trente-quatre décisions, dont vingt condamnations fermes. Les associations saluent une jurisprudence qui clarifie la notion de contrainte morale dans le viol conjugal.
Le renforcement de la prévention passe aussi par la technologie. Une application mobile baptisée « Mbandu » géolocalise les postes de police, les centres de santé et les associations référentes. Téléchargée 25 000 fois, elle envoie un SMS d’alerte à trois contacts choisis lorsque l’utilisatrice secoue son téléphone.
Perspectives régionales et engagements internationaux
Au niveau continental, la Commission de l’Union africaine promeut le Protocole de Maputo qui consacre les droits des femmes à la sécurité et à la santé reproductive. Le Congo, État partie depuis 2007, présente cette année un rapport alternatif axé sur les progrès en matière de budgets genrés.
Sur la scène onusienne, la résolution 1325 reste la boussole. La police congolais vient d’intégrer un module obligatoire sur la protection des civils dans toutes les formations pré-déploiement pour les missions de maintien de la paix, renforçant la cohérence entre action nationale et engagements extérieurs.
La consolidation de la paix passe également par l’autonomie économique. Dans le Kouilou, un fonds de micro-crédit cogéré par l’État et la Banque africaine de développement a permis à 600 survivantes de violences de lancer des activités, de la transformation de manioc au recyclage de plastique, réduisant leur vulnérabilité.
Si les défis demeurent, les convergences entre pouvoirs publics, Église, ONG et partenaires internationaux dessinent une architecture de sécurité humaine où la voix des femmes gagne en centralité. Comme l’affirme la juriste Edith Mvoula : « La paix durable est l’autre nom de l’égalité réalisée ».
Le prochain défi sera l’évaluation indépendante de ces politiques. Un consortium d’universités congolaises et canadiennes débutera en janvier une étude d’impact sur trois ans, combinant enquêtes de terrain et analyse de données judiciaires, afin de mesurer la réelle diminution des violences et d’ajuster les stratégies.
Les résultats guideront la feuille de route 2026-2030 que prépare déjà la Cellule interministérielle pour l’égalité.











