Un financement record pour les ménages vulnérables
À Ollombo, 83 millions de dollars viennent d’être mobilisés afin d’élargir la protection sociale à travers le Projet de protection sociale et d’inclusion productive des jeunes, Psipj, soutenu par la Banque mondiale. La nouvelle enveloppe complète un financement initial de 50 millions.
Au total, 12 774 ménages des départements de la Cuvette, des Plateaux, du Pool, du Niari et d’autres zones recevront un soutien direct, confirmant l’engagement congolais à contenir les impacts sociaux de la crise sanitaire mondiale de 2020.
Un soutien vital après la pandémie
Le ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et de l’Action humanitaire pilote l’initiative. Son objectif immédiat consiste à éviter que l’onde de choc économique ne fasse basculer davantage de familles dans l’extrême pauvreté, facteur aggravant des violences sexistes.
Selon les données officielles, les arrondissements urbains de Brazzaville, Pointe-Noire et Kintélé concentrent une jeunesse qui cherche des revenus stables. La pandémie a entraîné la fermeture de nombreuses microentreprises informelles où les femmes tenaient un rôle central, exposant ces dernières à la précarité.
En réponse, le Psipj s’appuie sur l’expérience du Programme Lisungi pour prolonger les transferts monétaires conditionnels et introduire des aides dédiées à l’activité génératrice de revenus. Chaque ménage recevra l’équivalent de plusieurs mois de dépenses essentielles.
Des transferts numériques pour plus de transparence
Les premiers versements numériques ont été lancés à Ollombo auprès de 200 bénéficiaires. L’utilisation de terminaux mobiles, fournis par des opérateurs locaux, réduit le risque de fuites financières et limite les déplacements, détaille Antoine Régis Ngakegni, coordonnateur national du projet.
La Banque mondiale souligne que la traçabilité est devenue un indicateur déterminant de la confiance entre bailleur, État et population. Les données anonymisées permettent d’ajuster les montants en fonction de la composition du foyer et de la volatilité des prix des denrées.
À terme, les autorités souhaitent intégrer le Registre social unique à l’ensemble des programmes publics, afin de créer une base de référence unique. Cette décision technique participe à la modernisation de l’administration sociale sans alourdir les procédures pour les citoyens.
Jeunes femmes au cœur des priorités
Près de 60 % des ménages ciblés sont dirigés par des femmes, note le rapport d’évaluation initial. L’accès régulier à un revenu réduit la dépendance économique, souvent citée par les sociologues comme un facteur majeur de vulnérabilité face aux violences domestiques.
Le projet consacre une composante entière à l’inclusion productive des jeunes de 18 à 35 ans. Les formations retenues couvrent la transformation agroalimentaire, la couture, la réparation de téléphones et la bureautique, secteurs où les femmes manifestent une demande croissante.
Pour Stella, 24 ans, bénéficiaire dans la sous-préfecture de Djambala, l’allocation mensuelle a signifié “le passage du désespoir à un projet concret de salon de couture”. Son témoignage, recueilli lors de la session d’enrôlement, illustre l’effet catalyseur de la mesure.
Témoignages d’espoir
À Mindouli, Jonas, père de trois enfants, relate que les transferts ont permis de payer les frais scolaires et d’éviter la déscolarisation précoce de sa fille aînée. “L’école reste notre premier rempart contre les mariages précoces”, explique-t-il avec conviction.
Dans la cuvette forestière de Sibiti, un groupement féminin a mutualisé les allocations pour acquérir une décortiqueuse de manioc. La machine, installée sous un hangar communautaire, réduit de moitié le temps de travail et libère des heures pour la participation civique locale.
Les expériences convergent : la stabilité financière, même modeste, renforce l’auto-efficacité perçue et favorise la dénonciation des violences. Des animatrices du projet attestent d’une hausse des signalements depuis la première phase pilote du Lisungi en 2014.
Vers un filet social durable
Les chercheurs de l’Université Marien-Ngouabi recommandent de coupler les transferts avec des campagnes de sensibilisation sur les droits des femmes. Le Psipj a déjà intégré un module relatif au droit familial dans ses sessions de formation entrepreneuriale.
Sur le plan budgétaire, le ministère prévoit une dégressivité des allocations à mesure que les ménages consolident leurs revenues. Cette approche graduelle, inspirée par le Sahel Adaptive Social Protection Program, évite la dépendance tout en instaurant une épargne de précaution.
La réussite du chantier dépendra également de la couverture réseau en zone rurale. Un partenariat est en discussion avec l’Agence de régulation des postes et des communications électroniques pour renforcer la connectivité et permettre la réception ponctuelle des paiements numériques.
En s’appuyant sur un financement extérieur conséquent, le Congo consolide un modèle de filet social qui privilégie la dignité et l’autonomisation, notamment des jeunes femmes. Les premiers résultats laissent entrevoir un impact durable, compatible avec les ambitions nationales de développement humain.
La société civile appelle néanmoins à documenter systématiquement les effets du programme sur la réduction des violences sexistes. Des indicateurs comme le dépôt de plaintes, l’accès aux centres d’écoute et la détention de pièces d’identité seront suivis pour mesurer les avancées concrètes.
À horizon 2026, le Psipj espère toucher 22 000 ménages supplémentaires et former 40 000 jeunes à l’auto-emploi. Cet élargissement, conditionné à la mobilisation de nouveaux partenaires, incarne une volonté de bâtir une résilience inclusive et respectueuse de l’égalité de genre.











