Publié par 15h43 Actualités

Bouenza : Révélation sur l’intimité des héroïnes

Session éducative à Mabombo

Du 28 au 31 août, le district rural de Mabombo a accueilli l’Observatoire handicap humanité, connu sous l’acronyme H2O, pour quatre jours de discussions intimes sur la santé reproductive des femmes vivant avec un handicap.

La mission s’inscrivait dans un programme triennal 2023-2025 consacré à l’hygiène menstruelle et à la prévention des maladies endocriniennes, un volet trop souvent négligé lorsque les infrastructures sanitaires restent éloignées ou physiquement inaccessibles.

Sous l’œil attentif de son président, Emmanuel Bati, l’équipe menée par la secrétaire permanente Julienne Laure Kengué a présenté pas à pas le cycle menstruel, de l’ovulation au choix d’un planning familial volontaire.

Santé reproductive des femmes handicapées

La socio-anthropologue Gisèle Mapeta rappelle que les femmes handicapées sont deux fois plus exposées aux infections urinaires et aux grossesses non désirées, faute d’informations adaptées à leurs limitations sensorielles ou motrices.

À Mabombo, les structures sanitaires n’offrent pas encore de tables gynécologiques réglables ni de notices en braille, ce qui complexifie un suivi obstétrical pourtant crucial pour éviter des complications évitables.

Les animatrices de H2O ont donc insisté sur l’auto-examen mensuel et sur l’usage de serviettes réutilisables confectionnées localement, alliage de coton et de tissu wax, présenté comme un compromis écologique et financièrement soutenable.

Défis d’accès aux soins dans la Bouenza rurale

Le district recense 11 839 habitants et près de 15 % de personnes handicapées, une proportion supérieure à la moyenne nationale selon le recensement de 2022, qui attribue l’écart à la persistance du paludisme cérébral et des accidents de faune.

Les pistes d’accès demeurent souvent impraticables pendant la saison des pluies, limitant l’arrivée des sages-femmes mobiles mises en place par la direction départementale de la santé.

H2O a d’ailleurs profité de son passage pour cartographier les points d’eau fonctionnels, étape préalable à tout projet d’installation de latrines adaptées aux fauteuils roulants, soutenu par le Fonds des Nations unies pour la population.

Kits de dignité et inclusion sociale

Vingt-quatre adolescentes ont reçu un seau, des sous-vêtements, du lait de beauté et un pagne, autant d’objets qui paraissent ordinaires mais qui contribuent à rompre l’isolement qu’entraîne parfois la période menstruelle.

« Je restais souvent à la maison les jours de règles, explique Clarisse, 17 ans. Avec ces serviettes, je pourrai retourner en classe sans craindre les moqueries », confie-t-elle à nos confrères de Radio Bouenza.

La remise des kits s’est déroulée dans la cour de la mairie, en présence du sous-préfet qui a salué une initiative « complémentaire » aux efforts déjà entrepris par le gouvernement pour rapprocher le planning familial des zones enclavées.

Expertise médicale et témoignages

Selon la gynécologue Marie-Hélène Nguimbi, le dialogue instauré par H2O réduit le risque de mortalité maternelle, actuellement estimé à 210 décès pour 100 000 naissances vivantes dans le département, chiffre légèrement supérieur à la moyenne congolaise.

Elle souligne que l’enseignement sur les maladies endocriniennes, rare dans les campagnes, peut également aider à dépister plus tôt les cas de diabète gestationnel, pathologie encore sous-documentée chez les femmes handicapées.

Alliance société civile et Églises

Le projet bénéficie d’un partenariat avec l’Église évangélique du Congo et l’association 47 Zola, ce qui facilite l’accueil des sessions de sensibilisation dans des salles paroissiales souvent plus accessibles que les centres administratifs.

Pour Emmanuel Bati, « le langage spirituel rapproche les cœurs et autorise une parole féminine décomplexée sur des thèmes longtemps jugés tabous », affirme-t-il en marge de l’atelier.

La stratégie d’essaimage vers d’autres districts, amorcée à Kolo en 2023 puis à Kingoué début 2024, repose sur des relais communautaires formés à la fois aux techniques d’animation inclusive et à la collecte de données épidémiologiques.

Innovations et prochaines étapes

H2O plaide pour l’introduction de modules en langue des signes dans les collèges ruraux afin de rendre l’éducation sexuelle accessible à toutes, proposition déjà transmise à la direction départementale de l’enseignement.

L’ONG explore également la fabrication locale de tests de grossesse à bas coût, en partenariat avec un laboratoire de Pointe-Noire, pour répondre à l’éloignement des pharmacies et réduire le délai entre suspicion et prise en charge.

À l’issue de la session, les participantes ont adopté une feuille de route demandant la mise en accessibilité progressive des centres de santé, un recensement exhaustif des violences sexistes et la poursuite de distributions de kits chaque semestre.

De son côté, la municipalité envisage d’affecter une infirmière référente au dispensaire de Loukakou, à une dizaine de kilomètres, afin d’assurer un suivi post-formation et de remonter mensuellement les besoins en médicaments spécifiques.

Cette mesure, si elle est validée, compléterait les subventions déjà accordées par le ministère des Affaires sociales qui finance depuis 2022 l’achat de fauteuils roulants et la formation d’assistantes de vie en zone rurale.

À moyen terme, H2O souhaite développer une application mobile en lingala et en kituba, dotée d’alertes vocales rappelant la prise de contraceptifs et permettant de signaler anonymement des violences, projet encore en recherche de financements.

Les organisateurs comptent revenir à Mabombo en décembre pour évaluer les premiers changements de comportement et ajuster le contenu pédagogique.

Visited 3 times, 1 visit(s) today
Étiquettes : , , , , Last modified: 2 septembre 2025
Close Search Window
Close