Assistants sociaux : l’école soigne aussi

Un tournant institutionnel pour la protection sociale

L’annonce faite lors de la récente Quinzaine du gouvernement, tenue à Brazzaville, résonne déjà comme l’un des chantiers sociaux les plus structurants du mandat en cours. « L’assistance sociale doit épouser les lieux où se fabriquent le capital humain et le capital santé », a exposé la ministre des Affaires sociales, de l’Action humanitaire et de la Solidarité, Marie Cécile Mboukou Kimbatsa. L’implantation d’assistants sociaux au sein des hôpitaux et désormais des établissements scolaires illustre cette volonté d’ancrage territorial au plus près des publics cibles. Par ce geste, l’exécutif congolais marque son ambition de passer d’une logique essentiellement curative à une perspective véritablement préventive de la vulnérabilité.

Des missions élargies au cœur des établissements scolaires

Au-delà du suivi médical, la présence d’assistants sociaux dans les écoles devrait créer un espace confidentiel pour repérer précocement les situations de mal-traitance, de décrochage ou de déscolarisation. Le dispositif, qui trouvera d’abord sa place dans plusieurs centres urbains pilotes avant une généralisation progressive, offrira un interlocuteur permanent aux familles. Dans la pratique, ces professionnels seront chargés de procéder à un diagnostic social, d’élaborer des plans d’accompagnement individualisés et de servir d’interface entre l’institution scolaire, le corps médical et le ministère en charge des Affaires sociales. Ce maillage promet de fluidifier le parcours des élèves en difficulté, tout en soulageant un corps enseignant parfois démuni devant la multiplication des problématiques psychosociales.

La mise en réseau des hôpitaux et des services sociaux

L’élargissement du dispositif aux structures hospitalières n’est pas inédit : le Centre hospitalier universitaire de Brazzaville, l’hôpital général de Djiri et l’hôpital de base de Makélékélé disposent déjà d’assistantes sociales. Les retours d’expérience montrent que la prise en charge des soins non assurés a pu être accélérée pour des patients sans ressources. En formalisant des ‘points focaux’, le ministère entend désormais répertorier de manière systématique les personnes vulnérables dès leur admission. Les dossiers sont ensuite transférés au niveau central pour l’exonération des frais médicaux ou l’organisation d’interventions chirurgicales, selon des critères transparents.

Enjeux de gouvernance et de financement

Le succès de cette réforme dépendra largement de la coordination inter-ministérielle et du calibrage budgétaire. Les observateurs s’accordent à dire qu’un renforcement des ressources, tant humaines que matérielles, sera indispensable pour éviter l’effet d’annonce. La ministre Mboukou Kimbatsa plaide pour un financement pérenne couplé à des mécanismes de reddition de comptes. Dans les cénacles diplomatiques, plusieurs partenaires techniques ont déjà exprimé leur intérêt pour un appui ciblé, dans l’esprit de la coopération tripartite qui a accompagné la couverture santé universelle en d’autres contextes africains.

Les enfants en situation de rue, trait d’union de l’action publique

L’assistance sociale scolaire devrait aussi élargir le filet de sécurité autour des enfants en rupture familiale. Jusqu’ici, la prise en charge s’articulait autour du Centre d’insertion et de réinsertion, où les mineurs étaient hébergés puis orientés, à leur majorité, vers une formation professionnelle. En intervenant plus tôt, au sein même de l’école primaire ou du collège, les autorités espèrent réduire le flux vers la rue et offrir une trajectoire inclusive à ces jeunes. À terme, cette prévention pourrait atténuer le coût social et économique de la marginalisation.

Des plateformes de données pour lutter contre la précarité

Le pays capitalise sur l’expérience des ‘filets sociaux’, successeur national du projet Lisungui, pour roder ses outils de ciblage. Si le registre social initial ne couvrait que Brazzaville, Pointe-Noire et Dolisie, un maillage national est désormais envisagé. Les directions départementales et leurs circonscriptions d’action sociale procèdent à des enquêtes de terrain afin de documenter la pauvreté multidimensionnelle. Cette granularité statistique facilite le déclenchement d’aides sous condition de ressources et sécurise la transparence du dispositif.

L’accueil des réfugiés, laboratoire de la solidarité nationale

Avec près de 66 000 réfugiés issus notamment de Centrafrique, de la République démocratique du Congo, du Tchad et du Soudan, le Congo-Brazzaville a transformé l’assistance sociale en enjeu géopolitique. La moitié de ce contingent, composé en majorité de femmes et d’enfants, nécessite un accompagnement spécialisé. L’implantation d’assistants sociaux dans les zones d’accueil scolaire renforcera la cohésion et permettra d’éviter les ruptures de parcours éducatif. Les partenaires onusiens voient dans ce dispositif un exemple de bonnes pratiques sud-sud, susceptible d’être répliqué ailleurs dans la sous-région.

Une dynamique régionale observée par les partenaires

La Banque africaine de développement et plusieurs organisations intergouvernementales s’intéressent déjà aux premiers indicateurs d’impact. Les autorités congolaises espèrent, à travers cette réforme, consolider l’image d’un État protecteur capable d’anticiper les vulnérabilités. Pour la sociologue Flore Ossénga, consultée à Brazzaville, « l’enjeu ne se limite pas à dispenser des aides mais à créer un continuum éducatif et social où chaque enfant, chaque patient, puisse trouver une écoute proactive ». Dans une conjoncture régionale souvent marquée par des chocs exogènes, cette approche est perçue comme un gage de résilience nationale.