Vaccin DTC : 115 millions d’enfants, et après ?

Un rebond statistique salué par les agences onusiennes

Le dernier rapport conjoint de l’Organisation mondiale de la santé et de l’UNICEF fait état de 115 millions d’enfants ayant reçu les trois doses recommandées du vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche, soit près de 171 000 primo-vaccinés supplémentaires par rapport à 2023 (OMS-UNICEF 2024). Cette progression, modeste en valeur absolue mais symboliquement forte, intervient après trois années marquées par les discontinuités logistiques liées à la pandémie de Covid-19. L’indicateur redevient ainsi l’un des marqueurs d’un « retour à la normale » que les décideurs sanitaires scrutent, conscients que chaque pourcentage regagné se traduit, à l’échelle planétaire, par des milliers de vies préservées.

Sous la moyenne mondiale, des disparités régionales tenaces

Derrière l’agrégat se dessine une géographie de l’inégalité. Les pays à revenu faible ou intermédiaire inférieur demeurent en dessous du seuil de 80 % de couverture, tandis que les économies avancées flirtent avec les 95 %. En Afrique centrale, la République du Congo affiche pourtant, selon les données compilées par Brazzaville, une remontée de six points depuis 2022 grâce à des campagnes de proximité appuyées par le gouvernement et ses partenaires techniques. Cette dynamique contraste avec les zones de conflit prolongé où l’accès aux aires de santé reste aléatoire, accentuant le phénomène des « zéro dose », ces 14,3 millions d’enfants qui n’ont reçu aucune injection.

Les déterminants sociopolitiques de l’accès vaccinal

Au-delà de la logistique du froid, l’adhésion communautaire s’impose comme la variable décisive. Les rumeurs sur l’innocuité des vaccins, amplifiées par la circulation virale d’informations non sourcées sur les réseaux sociaux, constituent, selon le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, « une menace pour des décennies de progrès » (OMS 2024). Dans plusieurs capitales africaines, des sociologues de la santé observent une corrélation directe entre confiance institutionnelle, niveau d’éducation maternelle et acceptabilité vaccinale. Les États qui investissent simultanément dans l’alphabétisation féminine et la communication sanitaire enregistrent les bonds les plus significatifs.

L’équation budgétaire entre solidarité et souveraineté

Les délégations réunies à New York ont rappelé que la réduction de l’aide publique au développement pèse sur la pérennité des programmes élargis de vaccination. Pour la directrice exécutive de l’UNICEF, Catherine Russell, la mobilisation doit désormais conjuguer financements extérieurs et engagement budgétaire national afin d’assurer une résilience durable (UNICEF 2024). À Brazzaville, le ministère de la Santé a ainsi réaffecté une partie des recettes issues des hydrocarbures à la chaîne d’approvisionnement pharmaceutique, illustrant la volonté de sécuriser une autonomie stratégique tout en demeurant dans le cadre partenarial multilatéral.

Communication publique : science, confiance et diplomatie sanitaire

La bataille de la confiance ne se remporte pas uniquement par les seringues. Plusieurs États, dont le Congo, ont fait le choix de mettre en avant des « ambassadeurs communautaires » issus des corps médicaux et religieux afin de déconstruire les réticences. Cette diplomatie du quotidien s’appuie sur des récits de proximité, mêlant témoignages de mères de famille, données épidémiologiques et positions doctrinales clarifiées. Dans les zones rurales, l’usage de radios locales en langue vernaculaire complète la stratégie, rappelant qu’une information contextualisée vaut parfois plus qu’un argument d’autorité délivré depuis les enceintes internationales.

Objectif 2030 : vers une responsabilité partagée

Pour atteindre la cible de l’Agenda Immunisation 2030, quatre millions d’enfants supplémentaires devront être protégés chaque année. L’OMS plaide pour des feuilles de route nationales fondées sur la micro-planification des zones à faible couverture, l’intégration des innovations logistiques et la consolidation de la gouvernance locale. Dans cette perspective, l’Afrique centrale, riche d’expériences pilotes menées à Pointe-Noire ou à Kinshasa, pourrait devenir un laboratoire d’apprentissage Sud-Sud, renforçant la circulation de bonnes pratiques et la mutualisation des approvisionnements. Le succès dépendra toutefois d’une équation tripartite : stabilité politique, financement soutenable et capacité à maintenir la science au cœur du discours public.

Au-delà des chiffres, l’enjeu d’une santé mondiale équitable

Les 115 millions d’enfants vaccinés en 2024 illustrent une restauration progressive de la solidarité sanitaire mondiale, mais ils révèlent aussi la fragilité des acquis. Chaque enfant restant hors des radars rappelle la nature éminemment politique de l’immunisation : protéger les plus vulnérables revient à consolider la cohésion sociale et la prospérité future. Tandis que les capitales diplomatiques planifient déjà les financements de la prochaine décennie, la République du Congo, forte d’une trajectoire vaccinale ascendante, s’emploie à démontrer que l’ambition sanitaire peut coexister avec une gestion budgétaire rigoureuse et une souveraineté affirmée. Dans un contexte international mouvant, ce choix d’investir dans la prévention constitue sans doute l’un des marqueurs les plus tangibles de la stabilité et du sens des responsabilités des États.