Brazzaville prescrit sa nouvelle ordonnance sanitaire

Un Conseil, héritage de 1984, revient au premier plan

Quarante et un ans après sa fondation par décret présidentiel, le Conseil national de la santé renoue avec l’actualité sous les lustres du Grand Hôtel de Kintélé. Dans la salle plénière, l’atmosphère rappelle que l’infrastructure institutionnelle mise en place dès 1984 avait anticipé les débats modernes sur la gouvernance sanitaire. En réactivant cette enceinte de concertation, le gouvernement réaffirme la continuité d’une politique publique où la santé dépasse le simple cadre biomédical pour s’ériger en variable stratégique de développement.

Un thème convergent : ODD 3 et cohésion des politiques publiques

Placée sous la présidence du Premier ministre Anatole Collinet Makosso, la session s’articule autour d’une interrogation centrale : comment aligner la gouvernance du système de santé sur l’Objectif de développement durable numéro 3, relatif à la santé et au bien-être pour tous ? L’approche se veut holistique. Les experts mobilisés traitent tour à tour des déterminants sociaux, du financement, de la qualité des données et de l’efficacité des services, soulignant que l’ODD 3 n’est pas une variable isolée mais une matrice où convergent éducation, fiscalité et aménagement du territoire.

Le partenariat OMS–Congo à l’aune de la résilience

La voix du système onusien, incarnée par Vincent Dossou Sodjinou, Représentant résident de l’OMS, rappelle la dimension internationale du rendez-vous. « La gouvernance est le fondement d’un système de santé résilient et équitable », affirme-t-il, avant de saluer la précocité avec laquelle le Congo a internalisé cette exigence. Cette reconnaissance externe résonne comme un encouragement mais aussi comme un garde-fou : la solidarité internationale s’accompagne d’indicateurs auxquels le pays devra répondre, en particulier dans un contexte post-pandémie où la résilience est devenue critère de légitimité.

Cap sur la gouvernance locale et l’innovation hospitalière

Au-delà des déclarations, plusieurs initiatives concrètes jalonnent la trajectoire récente. L’ouverture prochaine des hôpitaux généraux de Ouesso et de Sibiti prolonge la mise en service, déjà effective, des établissements de Djiri et Loandjili. Pour le ministre Jean-Rosaire Ibara, ces infrastructures illustrent un double mouvement : moderniser le plateau technique et rapprocher l’offre de soins des populations périphériques. Cette territorialisation des politiques publiques, soutenue par les préfets présents à Brazzaville, répond à la recommandation formulée dès la première session du Conseil : décentraliser la planification sanitaire afin de réduire les inégalités inter-départementales.

Investissements physiques et capital humain, même bataille

Les débats rappellent toutefois qu’un hôpital n’est qu’un vaisseau sans équipage si la question des ressources humaines n’est pas simultanément adressée. Le Congo a révisé son plan de formation des personnels de santé pour inclure davantage de spécialités manquantes et consolider les filières paramédicales. L’enjeu, pour reprendre les mots d’un professeur de santé publique de l’Université Marien-Ngouabi, est de « convertir la densité hospitalière en accessibilité thérapeutique ». La stratégie gouvernementale insiste donc sur l’attractivité des postes en zones rurales, misant sur des incitations financières et l’amélioration du cadre de vie.

Vers un agenda sanitaire inclusif et mesurable

En clôture, le Conseil doit adopter un faisceau de recommandations susceptibles d’alimenter la feuille de route 2025-2030. La première porte sur la consolidation d’un système d’information sanitaire harmonisé, indispensable à l’évaluation de l’ODD 3. La seconde suggère d’amplifier la coopération Sud-Sud, afin de mutualiser les innovations éprouvées dans la zone CEMAC. La troisième, enfin, réaffirme la nécessité de préserver le financement public de la santé, tout en diversifiant les contributions privées pour sécuriser l’offre de soins. En rappelant que « la santé est à la fois produit et déterminant des autres ODD », les participants légitiment un agenda dont le succès reposera sur la capacité à mesurer, à intervalle régulier, les progrès accomplis.

Une cohérence politique sous l’égide présidentielle

Le ministre Jean-Rosaire Ibara a tenu à souligner « la reconnaissance la plus haute » du gouvernement envers le Président Denis Sassou Nguesso, qualifié d’initiateur et d’artisan du Conseil national de la santé. Cette filiation politique imprime une cohérence à la réforme : la santé n’est pas un secteur isolé mais l’une des traductions visibles de la vision de développement dessinée au sommet de l’État. En réactivant le Conseil, l’exécutif entend inscrire le pays dans le sillage de la couverture sanitaire universelle, tout en consolidant la confiance des partenaires internationaux et des populations.