Un nouveau cap pour la gestion des risques
Installée au cœur de Brazzaville, la salle de conférences du ministère des Affaires sociales a bruissé, trois jours durant, d’un lexique où les experts conjuguent aléa, vulnérabilité et résilience. Du 8 au 10 juillet 2025, cadres des administrations centrales, humanitaires et partenaires techniques ont planché sur la Stratégie nationale de relèvement post-catastrophes et de préparation aux crises futures 2025-2030. Trois ans après son lancement, le document, retravaillé à la lumière des inondations de 2023, a été solennellement paraphé, marquant, selon les mots de Mme Carine Ibatta, « une étape pivot dans la sécurisation du développement national ».
Portée par la vision du président Denis Sassou Nguesso d’un Congo émergent et stable, la stratégie s’inscrit dans la continuité du Plan national de développement 2022-2026. Elle entend articuler, en amont comme en aval des catastrophes, un ensemble de réponses qui conjuguent reconstruction des infrastructures, relance des moyens de subsistance et anticipation des risques. Autrement dit, elle vise à passer d’une logique d’assistance ponctuelle à une culture pérenne de gestion intégrée des risques, adossée à une gouvernance interinstitutionnelle renforcée.
Apports méthodologiques et ancrage international
Le socle méthodologique du texte repose sur l’évaluation post-catastrophe conduite en partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement. Les équipes mixtes ont sillonné les districts de la Likouala, des Plateaux et des Cataractes, cartographiant l’ampleur des pertes agricoles, la fragilité des digues et la précarité des habitations endommagées. Ces diagnostics, chiffrés et géolocalisés, ont permis de hiérarchiser les besoins et de calibrer la réponse selon des standards désormais classiques de l’humanitaire, mais rarement appliqués avec autant de minutie dans la sous-région.
Au regard des principes du Cadre de Sendai pour la réduction des risques, le plan congolais se décline en quatre priorités : compréhension des risques, renforcement de la gouvernance, investissement dans la résilience, préparation aux situations d’urgence. « Notre ambition est que chaque chef-lieu de département dispose d’un système d’alerte multirisques et d’un plan de contingence actualisé avant 2027 », a expliqué l’expert du PNUD Joseph Pihi, insistant sur l’importance des données ouvertes pour accélérer la prise de décision.
Financement : l’équation de la pérennité
L’estimation budgétaire – 156,7 milliards de francs CFA pour la seule phase 2025-2026 – témoigne de l’ampleur de l’engagement. Le financement adopte une architecture hybride mêlant allocations nationales, facilités multilatérales et, innovation notable, un mécanisme d’obligations vertes destiné à attirer les investisseurs sensibles aux enjeux climatiques. La Banque de développement des États de l’Afrique centrale, déjà impliquée dans la modernisation du corridor Pointe-Noire-Brazzaville, a exprimé son intérêt pour structurer une tranche pilote.
Certes, la volatilité des cours du pétrole impose une vigilance budgétaire, mais la trajectoire fiscale, soutenue par les réformes engagées depuis 2020, laisse entrevoir des marges. Le ministère des Finances estime qu’une meilleure mobilisation des recettes non pétrolières pourrait générer, à elle seule, près de 20 % du besoin, tandis que les fonds climat du Green Climate Fund pourraient couvrir les investissements résilients dans l’énergie solaire et l’agroforesterie.
Gouvernance inclusive et contrôle citoyen
Au-delà des chiffres, le texte revendique une dimension sociétale forte. Les femmes, qui représentent plus de 70 % de la force agricole dans les zones inondables, seront associées aux comités locaux de suivi. Les personnes vivant avec un handicap verront leurs besoins cartographiés lors des exercices d’évacuation. « Nous voulons éviter que l’exclusion ne se reproduise sous l’effet du choc », soutient une représentante de la Croix-Rouge congolaise.
La stratégie consacre également un chapitre au suivi-évaluation participatif. Un tableau de bord numérique, hébergé par l’Agence nationale d’information sur l’environnement, publiera trimestriellement l’avancement des travaux et les décaissements. Les organisations de la société civile auront accès aux données brutes pour en vérifier la cohérence, gage de transparence et de légitimité auprès des bailleurs et des citoyens.
Perspectives 2030 : vers une culture de résilience
À l’horizon 2030, le gouvernement entend faire du Congo un laboratoire régional de la résilience, capable de redresser ses infrastructures en moins de douze mois et de restaurer les moyens de subsistance en un cycle agricole. Cette ambition rejoint la Feuille de route continentale de l’Union africaine et répond aux engagements pris lors de la COP28 à Dubaï, où Brazzaville s’est positionnée comme porte-voix des bassins forestiers tropicaux.
En clôturant l’atelier, le représentant résident adjoint du PNUD a salué « un consensus exemplaire qui place l’humain au centre de la politique de gestion des risques ». Les prochains mois seront déterminants pour traduire cette promesse en chantiers concrets. Mais la dynamique créée, à la fois technique et politique, laisse espérer que la résilience, longtemps considérée comme un idéal abstrait, s’ancrera durablement dans le quotidien congolais.