Un engagement social salué à Brazzaville
Le 14 août, dans une salle comble du centre-ville de Brazzaville, l’ONG internationale MB Production a élevé Bricht Nogil Atounga Atsobaré au rang d’ambassadeur culturel et social. La scène, solennelle et chaleureuse, a rappelé combien la reconnaissance publique demeure un levier puissant de cohésion citoyenne.
Cette distinction, bien que symbolique, éclaire une trajectoire ancrée dans la solidarité concrète : depuis cinq ans, l’Association des jeunes unis pour le développement social distribue microcrédits, kits scolaires et formations à l’entrepreneuriat auprès de ménages en précarité, principalement des femmes commerçantes des marchés périphériques urbains congolais.
Solidarité et empowerment économique des femmes
Au moment de fixer la médaille sur la veste du lauréat, Médard Mbongo a salué « une continuité des traditions de partage héritées de nos aînés ». Ce discours insiste sur la transmission intergénérationnelle, enjeu clé du tissu communautaire congolais selon plusieurs sociologues et observateurs locaux.
Bricht Nogil Atounga, lui, a répondu par un mélange de gratitude et de prudence : « La médaille nous oblige davantage ». Derrière la formule, se lit l’idée qu’un capital symbolique n’a de valeur que s’il renforce les actions, notamment en faveur de l’autonomisation féminine au Congo actuel.
Selon une enquête du Centre d’études et de recherche sur les dynamiques sociales publiée en 2022, plus de 60 % des microentreprises dirigées par des femmes à Brazzaville citent l’accès au crédit comme premier frein à l’expansion. Les fonds de roulement distribués par AJUDS répondent donc à un besoin empirique.
Mais l’aide pécuniaire ne suffit pas. AJUDS associe ses prêts à des ateliers sur la gestion comptable domestique, souvent dispensés par des bénévoles issus des facultés de sciences économiques. Ce cadrage réduit les défauts de remboursement et encourage l’épargne de précaution familiale.
Les ONG comme courroies de transmission citoyenne
La cérémonie du 14 août illustre aussi la place croissante des organisations de la société civile dans la promotion des droits sociaux, complémentant les politiques publiques. « Les associations offrent une capillarité que l’État seul ne peut atteindre », observe la politologue Mireille Okandzi, interrogée après l’événement.
Dans les quartiers Talangaï et Makélékélé, l’association a déjà réhabilité trois centres d’alphabétisation féminine grâce à des levées de fonds hybrides mêlant dons privés, partenariats municipaux et contributions diasporiques. L’approche collaborative réduit les coûts et renforce le sentiment d’appropriation locale, facteur essentiel de pérennité des projets de développement solidaire.
Le cas Atounga attire l’attention sur une jeunesse congolaise souvent décrite comme « dynamique mais sous-employée ». En mobilisant le volontariat, l’association offre un espace d’apprentissage non formel qui complète les cursus universitaires et contribue à l’employabilité, selon l’économiste du travail Samuel Mavoungou interrogé ce jour-là à Brazzaville.
Prévenir les violences sexistes tout en finançant l’autonomie
Outre l’économie, AJUDS mène ponctuellement des campagnes de sensibilisation contre les violences sexistes. Affiches, causeries scolaires et théâtres de rue rappellent que l’autonomie financière ne suffit pas si elle s’accompagne de menaces domestiques. L’accompagnement psychologique est assuré par un réseau de conseillères bénévoles locales.
La synergie entre aide économique et prévention des violences répond aux recommandations des Nations unies, qui préconisent une stratégie multisectorielle pour renforcer la résilience des femmes. AJUDS, tout en restant modeste par ses moyens, semble s’aligner sur ces standards internationaux de bonne pratique.
Cependant, l’impact ne se mesure pas qu’en chiffres ou en trophées. Les sociologues insistent sur le capital social généré par ces initiatives : confiance accrue, réseaux d’entraide, sentiment d’utilité. Autant de dimensions immatérielles qui consolident la paix sociale et stabilisent les trajectoires individuelles dans la durée.
Vers un fonds rotatif pour les rescapées
Interrogée sur les prochaines étapes, la trésorière de l’association évoque la création d’un fonds rotatif spécifique aux rescapées de violences conjugales, assorti d’un tutorat juridique. Le projet, en phase de conception, cherche des partenaires bancaires afin d’abaisser les taux d’intérêt et sécuriser les versements pour toutes bénéficiaires.
Le modèle éprouvé des tontines congolaises sera mobilisé comme garantie commune, un clin d’œil aux pratiques de solidarité traditionnelles. « Nous voulons marier innovation financière et héritage culturel », résume Atounga, mettant en avant une hybridation adaptée au contexte sociologique local actuel et urbain du pays.
Mesurer l’impact et consolider l’espoir
Des observateurs soulignent néanmoins la nécessité d’outils d’évaluation rigoureux pour éviter l’effet vitrine. L’ONG projette ainsi des enquêtes longitudinales mesurant l’évolution des revenus, de la santé mentale et du sentiment de sécurité des bénéficiaires, en collaboration avec l’Université Marien-Ngouabi de Brazzaville dès 2024 prochain probablement.
Pour l’heure, la décoration ravive l’espoir qu’une mobilisation locale peut produire des effets durables. Les applaudissements ont résonné longtemps, portés par les chants d’un chœur de jeunes filles, rappelant que la reconnaissance publique nourrit aussi l’estime de soi des communautés bénéficiaires directes.
Au-delà de l’instant solennel, le parcours d’Atounga confirme qu’investir dans la capacité d’agir des femmes constitue une stratégie de développement socialement rentable. À l’heure où la pandémie puis l’inflation fragilisent les économies domestiques, son approche semble offrir une réponse pragmatique et inclusive pour le Congo contemporain.











