Réflexion stratégique multisectorielle
Au sein du prestigieux Palais des congrès de Brazzaville, la deuxième session ordinaire du Conseil national de santé réunit jusqu’au 18 juillet un aréopage de médecins, économistes, juristes, acteurs associatifs et représentants d’organisations multilatérales. Institué par le décret de mai 1984, ce conseil constitue l’une des rares enceintes où la parole technocratique se mêle à la délibération politique afin de baliser l’avenir sanitaire de la République du Congo.
La présence du représentant résident de l’Organisation mondiale de la santé, le Dr Vincent Dossou Sodjinou, témoigne d’une volonté de conjuguer expertise locale et référentiels internationaux. Dans un contexte marqué par la recherche d’objectifs de développement durable, les travaux se placent sous le signe d’une convergence d’intérêts : sécuriser la santé comme bien public primordial et levier de stabilité sociale.
Le défi récurrent du financement
Avec un effort budgétaire plafonnant à 4,2 % du budget national, le Congo demeure en deçà du seuil de 15 % auquel les États africains se sont moralement engagés à Abuja en 2001. « La gouvernance sanitaire est perfectible sans une injection substantielle de ressources », a rappelé le ministre de la Santé et de la Population, Jean Rosaire Ibara, en ouverture des travaux.
Les participants explorent des pistes qualifiées d’innovantes. Parmi elles, la responsabilisation sociétale des entreprises, la formalisation de partenariats public-privé et l’instauration d’une fiscalité dite comportementale sur les produits nocifs pour la santé. L’objectif est double : augmenter la part des recettes domestiques et rendre le financement plus prévisible, condition sine qua non de la planification stratégique.
Capital humain et équité territoriale
La question des ressources humaines, souvent qualifiée de colonne vertébrale du système de santé, n’échappe pas au diagnostic. Les disparités entre zones urbaines polarisées par Brazzaville et Pointe-Noire et vastes espaces ruraux à faible densité inquiètent les autorités. Les experts identifient des incitations ciblées pour enrayer la réticence des praticiens à s’installer durablement en périphérie : primes d’éloignement revalorisées, accès facilité au logement de fonction et programmes de formation continue pilotés à distance.
Le ministère peut s’appuyer sur des réalisations récentes, notamment la mise en service de deux hôpitaux généraux et de dix-huit centres de santé intégrés. Ces infrastructures, si elles sont consolidées par un personnel qualifié et motivé, pourraient constituer des ancrages territoriaux essentiels pour la prévention et la prise en charge rapide des pathologies.
Face à la double charge de morbidité
Le Congo se trouve désormais confronté à une transition épidémiologique complexe. Aux maladies transmissibles historiques – paludisme, tuberculose, VIH-sida – s’ajoute la poussée des maladies non transmissibles : hypertension, diabète, cancers. Les statistiques nationales attribuent près de 45 % des décès à ce second groupe, indiquant un basculement qui requiert une réorganisation des priorités sanitaires.
Les délégués s’interrogent sur la pertinence d’un paquet de soins essentiel révisé, intégrant davantage de dépistage précoce, d’éducation nutritionnelle et de prise en charge à long terme. Ils militent aussi pour renforcer les systèmes d’information sanitaire afin de disposer de données désagrégées, indispensables à une action ciblée et à l’allocation efficiente des ressources.
Vers une architecture sanitaire résiliente
Au terme de cette session, un projet de feuille de route sera soumis au gouvernement. Il consolidera les propositions formulées sur la gouvernance, le financement et le capital humain, tout en tenant compte des impératifs de souveraineté budgétaire et de justice sociale. La priorité affichée consiste à bâtir un socle institutionnel capable d’absorber les chocs sanitaires, qu’ils soient épidémiques, climatiques ou économiques.
Dans son allocution, le Dr Sodjinou a insisté sur la nécessité d’« un leadership politique constant, soutenu par une redevabilité collective ». Une formule qui résonne comme une invitation à transformer les diagnostics en réformes tangibles. Si la santé est, selon la Constitution, un droit fondamental, elle devient également un révélateur de la capacité de l’État à orchestrer coopération intersectorielle et participation citoyenne. Le pari congolais est donc moins celui d’une réforme ponctuelle que d’une maturation continue, où la résilience institutionnelle épouse la dynamique d’un développement inclusif.