Un partenariat historique au cœur de Brazzaville
Il est des relations diplomatiques qui traversent les régimes, les alternances et les cycles économiques : le partenariat entre l’Union européenne et la République du Congo appartient à cette catégorie rare et singulière. Officiellement scellé en 1963, il s’est transformé en matrice essentielle de la coopération bilatérale sur le continent. Jeudi 10 juillet 2025, dans les salons feutrés du ministère des Finances à Brazzaville, la première visite de courtoisie d’Anne Marchal auprès du ministre Christian Yoka a consacré cette continuité. Celle qui dirige désormais la délégation de l’UE souligne « la constance d’un dialogue franc et direct », saluant la disponibilité d’un interlocuteur qu’elle juge « pragmatique et ouvert ». L’échange, s’il obéit au rituel diplomatique, conforte aussi l’idée qu’au-delà des symboles, la coopération reste alimentée par des programmes concrets et mesurables.
Des axes stratégiques adaptés aux priorités nationales
Le ministre des Finances a rappelé que le Congo inscrit sa stratégie de développement dans la feuille de route fixée par le président Denis Sassou Nguesso, laquelle privilégie la diversification de l’économie et le renforcement de la cohésion sociale. C’est précisément sur ces priorités que se greffe la programmation pluriannuelle de l’UE. Depuis le 11ᵉ Fonds européen de développement, le portefeuille congolais s’est enrichi de projets structurants dans les télécommunications, l’énergie hors réseau et la formation professionnelle. Les autorités congolaises soulignent que ces interventions, bien que financées par des dons et des prêts concessionnels, s’alignent sur une approche de responsabilité partagée. « Chaque euro investi doit être porteur d’une valeur ajoutée pour la population », insiste Christian Yoka, plaidant pour un renforcement du suivi-évaluation afin d’accroître la lisibilité des actions.
La voie congolaise vers la transformation numérique
Au fil des années, l’appui de Bruxelles à la mutation numérique congolaise est devenu l’un des marqueurs les plus visibles du partenariat. La plateforme e-gouvernement, la fibre optique dorsale ou encore les incubateurs de start-up de Brazzaville et Pointe-Noire bénéficient d’un accompagnement technique européen. Anne Marchal confirme que l’initiative Global Gateway, vitrine de la diplomatie économique de l’UE, se déclinera en République du Congo par un bouquet de projets visant à sécuriser les données publiques, à stimuler le commerce électronique et à diffuser les compétences numériques dans les établissements d’enseignement technique. « Le numérique n’est pas un luxe, mais un vecteur d’inclusion et de transparence budgétaire », résume la diplomate.
Foresterie et durabilité : un laboratoire vert
La forêt congolaise, seconde masse forestière du bassin du Congo, est perçue par les partenaires européens comme un puits de carbone d’importance planétaire. Sur ce front, l’accord de partenariat volontaire FLEGT signé en 2010 a servi de jalon initial pour la promotion de la traçabilité du bois et la lutte contre l’exploitation illégale. Les échanges du 10 juillet ont confirmé la volonté bilatérale de passer à l’étape supérieure : faire de la filière bois un pilier de l’économie verte, créateur d’emplois qualifiés dans les zones rurales. Le ministère des Finances travaille à l’élaboration de mécanismes incitatifs susceptibles d’attirer l’investissement privé tout en préservant le capital naturel. L’UE, pour sa part, envisage de mobiliser des garanties de première perte afin de réduire le risque perçu par les investisseurs institutionnels.
Vers une implication accrue du secteur privé
La recherche de nouveaux relais de croissance s’accompagne d’une conviction partagée : l’aide publique, aussi généreuse soit-elle, ne suffira pas à combler l’ensemble des besoins en capital. Anne Marchal table sur l’agilité des entreprises européennes pour déployer des partenariats public-privé dans les télécoms, la logistique portuaire et les énergies renouvelables. « Nous voulons créer un effet d’entraînement, attirer des capitaux à impact positif et renforcer l’écosystème entrepreneurial local », détaille-t-elle. Côté congolais, les autorités réaffirment leur volonté de sécuriser le climat des affaires par un cadre juridique stable, des procédures douanières rationalisées et un guichet unique d’investissement déjà opérationnel. Les diplomates présents à la rencontre notent que la confiance mutuelle se nourrit également de la clarté fiscale et de l’indépendance de l’arbitrage commercial.
Perspectives et diplomatie économique équilibrée
La séquence du 10 juillet 2025 s’achève sur un optimisme mesuré, empreint de réalisme institutionnel. Le ministère des Finances et la délégation européenne conviennent de réévaluer semestriellement l’état d’avancement des projets, afin de garantir leur conformité aux objectifs de développement durable et aux attentes sociales. Tout en saluant « la constance d’une coopération exemplaire », Anne Marchal rappelle que l’UE entend demeurer un partenaire qui écoute et qui adapte son offre. Les autorités congolaises, de leur côté, voient dans cette constance un socle de stabilité pour inscrire les réformes macroéconomiques dans la durée. L’horizon commun demeure clair : accélérer la diversification, stimuler l’emploi des jeunes et consolider l’État de droit économique. En convoquant l’histoire pour éclairer l’avenir, Brazzaville et Bruxelles signent ainsi l’esquisse d’un accord parfait, toujours susceptible de s’enrichir des énergies nouvelles d’un Congo résolument tourné vers la modernité.