Brazzaville fait vibrer l’Afrique au Fespam 2025

Brazzaville célèbre l’art sonore continental

Sous les ors du Palais des congrès, saturé d’une ferveur palpable, le chef de l’État congolais a solennellement donné le coup d’envoi du plus ancien rendez-vous musical panafricain. Aux premières notes, la fanfare de la Garde républicaine a laissé éclore une explosion chromatique de drapeaux, signe que le Fespam demeure une instance de dialogue interculturel. Le décor planté, Denis Sassou Nguesso a rappelé, d’un ton à la fois protocolaire et chaleureux, que « la musique se tient au confluent de nos identités et de nos espérances collectives », soulignant ainsi la portée sociopolitique d’un événement conçu, dès 1996, comme plateforme de cohésion africaine.

La musique, vecteur diplomatique à Brazzaville

L’édition 2025 s’inscrit dans un contexte où la diplomatie culturelle apparaît plus que jamais comme un levier d’influence. Présence du corps diplomatique, message de la directrice générale de l’Unesco et hommages rendus aux artistes disparus rappellent qu’un soft power africain s’élabore à Brazzaville. Pour le Premier ministre Anatole Collinet Makosso, « la portée du Fespam excède le seul registre festif : elle participe d’une géopolitique des imaginaires ». En valorisant les identités musicales, la République du Congo projette une image de stabilité et de modernité auprès de ses partenaires, renforçant par là même sa crédibilité institutionnelle.

Une édition recentrée mais ambitieuse

Si la conjoncture économique continentale impose un format réduit, le commissaire général Hugues Gervais Ondaye assume une programmation condensée autour de trois sites, gage de maîtrise budgétaire et de proximité avec les publics. Dans les travées du Palais des congrès, l’on rappelle qu’un événement culturel ne se mesure plus uniquement à la démesure de ses scènes, mais à la pertinence de son récit. Pour nombre d’observateurs, ce resserrement renforce l’intensité artistique sans diluer l’aura du festival, préservant ainsi son statut de bien patrimonial immatériel.

Le numérique, nouveau diapason économique

Le thème « Musique et enjeux économiques à l’ère du numérique » reflète une mutation structurelle : la création de valeur glisse désormais vers les plateformes de streaming, l’intelligence artificielle de recommandation et le marketing d’influence. Marie-France Lydie Hélène Pongault, ministre de l’Industrie culturelle, note que « chaque minute vue en ligne équivaut à un espace d’exportation virtuel pour nos talents ». Des master-classes réunissant producteurs et startups locales ambitionnent de stimuler une filière créative encore embryonnaire, mais courtisée par les investisseurs, au moment où la zone de libre-échange continentale promet une circulation accrue des contenus.

Jeunesse et professionnalisation artistiques

Le Fespam se positionne comme incubateur de compétences pour une génération connectée. Les ateliers d’écriture et les symposiums programmés au village de Mayanga mettent en relation slameurs, beatmakers et anthropologues. L’ambition est claire : transformer des vocations en emplois pérennes. Mariusca La Slameuse, visage emblématique de la scène congolaise, confie que « la scène du Fespam est un rite de passage ». Dans un pays où plus de 60 % de la population a moins de trente ans, pareille politique culturelle constitue un outil de cohésion et d’employabilité, en droite ligne des priorités gouvernementales.

Le soft power congolais en scène

Au-delà des concerts, l’exposition d’instruments, du tam-tam royal kongo à la guitare high-tech imprimée en 3D, esquisse une narration historique de la créativité africaine. En offrant ce voyage à travers le temps, Brazzaville positionne sa diplomatie sur un registre émotionnel susceptible de fédérer partenaires bilatéraux, diasporas et organisations internationales. L’adhésion du public à la prestation de la compagnie Danseincolor sonne comme l’illustration d’une identité plurielle, tournée vers l’innovation sans renier la tradition. En clôturant son allocution d’ouverture sur un « Que la fête soit belle ! », Denis Sassou Nguesso entérine une vision où la musique n’est plus seulement divertissement mais moteur de développement, réconciliant ainsi l’esthétique et l’économique pour une Afrique en mouvement.