Brazzaville: la quête du galon républicain

Une tradition militaire réaffirmée au stade d’Ornano

En cette matinée du 17 juillet, le stade d’Ornano, habituellement dévolu aux compétitions civiles, a revêtu les couleurs kakis et bleu nuit de la zone militaire de défense n°9. Aux premières lueurs d’un soleil d’harmattan, les drapeaux régimentaires ont précédé l’arrivée du commandant de la 40ᵉ Brigade d’infanterie, le général de brigade Fermeté Blanchard Nguinou, dont la présence confère à la cérémonie une solennité rare. Dans un pays où le cérémonial militaire demeure un marqueur d’unité nationale, le simple passage des troupes au pas cadencé suffit à rappeler la place centrale de l’institution défensive dans l’architecture de l’État.

Cent nouveaux promus, miroir d’une armée en mutation

L’événement, prévu au titre du troisième trimestre 2025, a consacré la promotion de plus d’une centaine de militaires, toutes armes confondues. Du sous-officier reçu sergent-chef au capitaine accédant au grade de commandant, les profils traduisent la transversalité des compétences désormais valorisées par la hiérarchie. « Le galon est relatif au travail », confie un adjudant nouvellement étoilé, résumant l’esprit méritocratique qui prévaut depuis la révision du statut général des forces armées, entrée en vigueur en 2022. À Brazzaville, la question n’est plus seulement d’aligner les grades sur l’ancienneté, mais de reconnaître la maîtrise technique, la disponibilité opérationnelle et la discipline quotidienne.

Le message du général Nguinou : discipline et compétitivité

Prenant la parole devant les rangs serrés, le général de brigade Fermeté Blanchard Nguinou a d’abord félicité les récipiendaires « pour la persévérance et le sens du devoir » qui les ont conduits à cette reconnaissance. L’officier, réputé pour son franc-parler, a toutefois rappelé que le ruban tissé autour de l’épaulette n’est qu’une étape : « Soyez plus compétitifs, plus compétents, plus disponibles », a-t-il martelé sous les regards à la fois fiers et concentrés de ses hommes. L’allusion à la compétitivité, concept emprunté au vocabulaire de l’économie de marché, témoigne d’un changement culturel qui s’étend au secteur militaire, désormais soumis à des indicateurs de performance et à une logique de résultat.

Professionnalisation et sécurité régionale : l’équation congolaise

Le Congo-Brazzaville n’évolue pas en vase clos. Les dynamiques sécuritaires d’Afrique centrale, des confins du bassin du Congo aux rives septentrionales du Golfe de Guinée, imposent une modernisation accélérée des forces congolaises. La 40ᵉ Brigade d’infanterie, pivot de la défense de la capitale, sert de laboratoire à la montée en gamme des savoir-faire tactiques. Le renforcement récent des programmes de coopération avec des partenaires tels que la République du Rwanda, d’une part, et la France, d’autre part, répond à cette nécessité de projection régionale. Dans l’entourage du général Nguinou, l’on soutient que « chaque galon supplémentaire accroît la capacité de planification interarmes » indispensable aux opérations conjointes.

Une gestion de carrière plus transparente

Longtemps perçue comme opaque, l’administration des carrières militaires s’ouvre progressivement à des critères objectivés. Depuis 2023, la mise en place d’un système de suivi informatisé des parcours individuels permet d’identifier les compétences spécialisées et de les adosser à une formation continue. Le Conseil supérieur de la défense, réuni en avril dernier sous l’égide du chef de l’État, a insisté sur la nécessité d’un « capital humain qualifié et loyal ». La promotion de Brazzaville, première cuvée entièrement évaluée selon ces nouveaux standards, s’inscrit dans cette volonté de gouvernance modernisée.

Perspectives : vers une armée de projection équilibrée

Si le défilé qui a clos la cérémonie a suscité l’enthousiasme des familles alignées dans les gradins, l’essentiel se joue désormais sur le terrain d’une consolidation durable. Les autorités tablent sur le quatrième trimestre 2025 pour poursuivre le rythme des avancements et combler les dernières lacunes, notamment dans les spécialités cyberdéfense et appui médical. À terme, l’objectif est de disposer d’une armée de projection équilibrée, capable de répondre aux impératifs internes de sécurité tout en contribuant aux engagements multilatéraux, qu’il s’agisse des opérations de maintien de la paix ou des exercices conjoints de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. En attendant, les nouveaux promus regagnent leurs casernes avec un galon de plus et la conscience aigüe que, dans les rangs brazzavillois, l’honneur se conjugue désormais à l’exigence de compétence.