Brazzaville sacre le basket vétéran africain

Un rendez-vous né dans la ferveur brazzavilloise

En l’espace de trois éditions seulement, Ewawa Plus est passé du statut d’initiative associative à celui d’événement continental attendu. Le pari initial, porté par un collectif d’anciens joueurs épaulés par la municipalité de Brazzaville, consistait à redonner vie aux parquets pour vétérans tout en offrant une vitrine à la culture urbaine locale. Dès la première année, les gradins improvisés du square de Gaulle ont révélé un public multigénérationnel, signal fort d’une demande sociale pour des manifestations qui conjuguent émotions sportives et convivialité.

La rapidité de cette montée en puissance s’explique autant par la qualité des affiches que par la symbolique du lieu : situé au cœur de la capitale, le square de Gaulle est un carrefour où se croisent monde politique, acteurs culturels et populations des différents arrondissements. La scène était donc idéale pour refléter, le temps d’un week-end, la promesse de cohésion et de vitalité que porte le sport.

L’ouverture régionale : enjeux sportifs et soft power

L’édition 2024 marque un tournant stratégique avec la participation simultanée d’équipes de Kinshasa, Douala et Pointe-Noire. Au-delà du prestige sportif, cette internationalisation nourrit un double objectif. Elle répond d’abord aux attentes d’anciens professionnels désireux de prolonger leur carrière au sein d’un circuit compétitif mais convivial. Elle renforce ensuite la capacité d’attraction de Brazzaville, qui se positionne comme un pôle logistique et événementiel fiable dans un espace sous-régional encore dépourvu de structures régulières pour le basket vétéran.

Dans un contexte où la diplomatie sportive complète de plus en plus la diplomatie classique, accueillir des délégations voisines revêt un enjeu d’image. Le tournoi offre un cadre de rencontres informelles entre responsables municipaux, représentants des fédérations et entrepreneurs culturels. Il contribue ainsi, modestement mais sûrement, au rayonnement du Congo-Brazzaville, sans jamais se départir de l’esprit fair-play cher à la FIBA Africa.

Une scénographie qui dépasse les parquets

Ewawa Plus revendique une approche holistique : matches l’après-midi, DJ sets et concerts le soir, stands culinaires en continu. Le choix de mêler grillades de poisson du fleuve, spécialités du littoral camerounais et musiques urbaines congolaises répond à une logique d’inclusivité culturelle. Les promoteurs, inspirés par les block parties new-yorkaises, y voient un moyen de renouveler le lien social en plaçant la créativité au centre de l’expérience spectateur.

Le résultat est un espace hybride, à mi-chemin entre festival et compétition, où les rapports intergénérationnels se renégocient. Les plus jeunes viennent admirer d’anciennes gloires telles qu’Alphonse Mbemba, plusieurs fois sélectionné en équipe nationale, tandis que les vétérans découvrent la danse afro-fusion popularisée sur TikTok. Pour le sociologue du sport Sylvain Tchicaya, « cette cohabitation d’usages participe à une revalorisation symbolique des places publiques et à un renforcement du capital social urbain ».

Impact socio-économique : micro-entreprises et tourisme de proximité

L’afflux de spectateurs estimé à près de 5 000 personnes sur deux jours génère des retombées directes pour les vendeurs ambulants, hôteliers et transporteurs. Selon les données de la Chambre de commerce de Brazzaville, la seconde édition d’Ewawa Plus a stimulé une hausse ponctuelle de 12 % du chiffre d’affaires des établissements de restauration péricentre. Cette dynamique micro-économique, bien que circonscrite à un court laps de temps, illustre la capacité d’un événement sportif de taille moyenne à irriguer un tissu entrepreneurial souvent informel.

Parallèlement, l’engouement pour le tourisme intérieur se confirme. Des groupes de supporters feront le déplacement depuis Pointe-Noire par train puis par route, redécouvrant ainsi le corridor économique sud-nord. Les organisateurs ont conclu des partenariats avec l’Agence congolaise de promotion du tourisme pour proposer des circuits patrimoniaux, signe que le sport peut agir comme passerelle vers d’autres secteurs clés de la diversification économique nationale.

Défis de pérennisation et gouvernance sportive

Si le succès populaire est incontestable, la pérennité du tournoi suppose une structuration accrue. Les responsables de l’association Ewawa Plus travaillent à l’élaboration d’un cadre juridique leur permettant de bénéficier de financements multilatéraux, tout en préservant la gratuité d’accès. Cela implique une gouvernance partagée avec la fédération congolaise de basket, garante de la conformité aux normes techniques, et avec la mairie de Brazzaville pour la logistique urbaine.

Les défis résident également dans la gestion de la sécurité et de la maintenance des infrastructures temporaires. À cet égard, l’implication des autorités locales, déjà visible lors des précédentes éditions, reste déterminante. « Le modèle public-privé adopté ici pourrait servir de prototype pour d’autres villes d’Afrique centrale », souligne l’économiste du sport Mireille Ondzé. Autrement dit, la convergence entre ambitions communautaires et soutien institutionnel conditionnera la transformation du succès ponctuel en institution durable.

Perspectives : vers un label régional de la culture basket

À l’issue des finales prévues le 10 août, les organisateurs dévoileront un projet d’extension baptisé Ewawa Circuit, consistant à mutualiser calendriers et compétences avec des tournois semblables à Kinshasa et Douala. L’objectif est de créer un label certifiant des standards de qualité technique, de management et d’animation culturelle propre au basket vétéran. Une telle initiative s’inscrit dans la stratégie continentale de la FIBA visant à fédérer la diaspora des anciens joueurs et à faciliter la transmission de compétences vers les catégories jeunes.

Dans cet esprit, l’édition 2024 sera également l’occasion de lancer des ateliers de mentoring où les vétérans encadreront des collégiens, plaçant la dimension éducative au cœur du dispositif. Autant d’éléments qui confirment que Brazzaville ne se contente pas d’abriter un événement ; elle ambitionne de devenir un laboratoire régional d’innovation sociale par le sport.