Brazzaville se rêve en Davos francophone

Brazzaville, future plaque tournante des affaires francophones

L’annonce officielle de la tenue du Forum international des entreprises francophones (FIEF) à Brazzaville en mai 2026 a suscité un vif intérêt dans les cercles diplomatiques comme chez les investisseurs. À l’heure où la compétition des villes africaines pour attirer les conférences de haut niveau s’intensifie, la capitale congolaise se voit confier un rôle d’envergure : devenir, le temps d’un sommet, l’épicentre du capital relationnel et financier de la francophonie. En choisissant la ville fondée par Pierre Savorgnan de Brazza, le Groupement du patronat francophone envoie un signal fort sur la centralité géostratégique du Congo en Afrique centrale. L’événement s’inscrit dans une dynamique d’ouverture voulue par le chef de l’État, Denis Sassou Nguesso, qui plaide régulièrement pour une intégration économique régionale accrue.

Un choix stratégique salué par les partenaires

Le ministre de l’Économie, du Plan, de l’Intégration régionale et de la Statistique, Ludovic Ngatsé, ne cache pas son optimisme : « La tenue de cet événement majeur renforcera l’image de notre pays comme hub d’affaires en Afrique centrale ». Son argumentaire rejoint celui des études du Centre de développement de l’OCDE, qui identifient le Congo comme un corridor naturel entre la CEMAC et la SADC. La francophonie, entendue ici dans sa dimension économique, vient donc soutenir une ambition régionale dont la cohérence repose sur les infrastructures portuaires de Pointe-Noire, l’expansion annoncée du réseau routier et la mise à niveau progressive des services numériques. Les bailleurs multilatéraux voient dans cette convergence de facteurs un terrain propice au déclenchement d’investissements à long terme, condition sine qua non de la diversification de l’économie congolaise.

Le rôle catalyseur de l’UNOC et de Jean-Daniel Ovaga

Promoteur de la Clinique Securex et président du Conseil d’administration de l’Union nationale des opérateurs économiques du Congo (UNOC), le Dr Jean-Daniel Ovaga apparaît comme l’artisan principal de la candidature victorieuse présentée à Abidjan lors de la sixième édition du FIEF. Sa nomination comme commissaire général de l’édition brazzavilloise témoigne d’une confiance partagée par le patronat francophone, qui apprécie sa double culture médicale et managériale. S’appuyant sur un réseau tissé depuis plusieurs années, l’entrepreneur met en avant une méthode « inclusive, alliant la recherche de financements privés et le concours des administrations sectorielles ». Concrètement, un comité d’organisation inter-ministériel est à l’étude afin de synchroniser logistique, sécurité et protocole.

Un engagement gouvernemental assumé

Dans la perspective de 2026, les ministères des Petites et Moyennes Entreprises, du Développement industriel et de la Coopération internationale ont amorcé des consultations croisées pour affiner une feuille de route. Les autorités souhaitent que le forum dépasse le simple effet d’annonce et débouche sur des projets tangibles, notamment dans l’agro-industrie, l’économie numérique et la santé. À cet égard, le discours présidentiel sur l’état de la Nation de décembre 2024 insistait déjà sur la « valeur ajoutée de la diplomatie économique », exhortant les acteurs nationaux à transformer les rencontres internationales en opportunités d’emplois locaux. La tenue du FIEF est ainsi perçue comme une matérialisation de cette orientation stratégique.

Des opportunités pour le secteur privé local

Selon la Chambre de commerce de Brazzaville, la venue anticipée de plus de 800 délégués – chefs d’entreprise, banquiers, institutionnels – pourrait générer un impact économique direct évalué à près de sept milliards de francs CFA. Surtout, les retombées immatérielles, telles que la signature de protocoles d’accord et la visibilité médiatique, sont jugées essentielles pour crédibiliser les sociétés congolaises sur les marchés francophones. Les filières bois, énergie et services figurent déjà sur la liste des secteurs prêts à présenter des projets bancables. Les start-up locales, accompagnées par l’Agence de développement de l’économie numérique, entendent quant à elles profiter des panels pour exposer des solutions adaptées au contexte subsaharien.

Une diplomatie économique francophone en mutation

L’Organisation internationale de la francophonie a longtemps été identifiée à la promotion culturelle et linguistique. Or, depuis l’adhésion au Cadre stratégique 2023-2030, la composante économique a gagné en épaisseur. Le FIEF s’inscrit dans cette reconfiguration en valorisant la circulation des capitaux, des savoirs et des bonnes pratiques de gouvernance. En plaçant l’édition 2026 au bord du fleuve Congo, les organisateurs entérinent une dé-parisianisation des réseaux d’influence francophones, saluée par plusieurs analystes comme une « réallocation symbolique des centres de gravité » en direction du continent africain.

Vers un rayonnement régional renforcé

Au-delà de la fenêtre médiatique qu’offre le Forum, Brazzaville espère capitaliser sur un effet d’entraînement durable. La construction d’un centre de conférences modulable, déjà planifiée dans la zone de Kintélé, répond à l’objectif de positionner la ville sur la carte des grands congrès internationaux. Parallèlement, la diplomatie congolaise multiplie les accords bilatéraux visant la mobilité intra-africaine des professionnels francophones. Si la conjoncture macroéconomique mondiale demeure incertaine, le pari brazzavillois repose sur une conviction : les crises, énergétiques ou sanitaires, ont accentué la recherche de nouveaux pôles de stabilité où les investisseurs peuvent déployer des stratégies de moyen terme.

Cap sur 2026, entre attentes et vigilance

À un an de l’échéance, les observateurs soulignent la nécessité de préserver l’équilibre entre ambition internationale et rigueur budgétaire. Comme le rappelle un diplomate africain accrédité à l’Union européenne, « l’attractivité d’un forum se mesure aussi à la capacité de ses hôtes à garantir la lisibilité des procédures et la sécurité juridique des affaires ». La réussite du FIEF 2026 constituera donc un test grandeur nature pour la gouvernance publique-privée congolaise. Les autorités, conscientes de l’enjeu, misent sur la synergie entre expérience locale et expertise étrangère pour offrir une vitrine à la hauteur des attentes. Brazzaville, déjà décrite par certains médias comme « la future Genève équatoriale », n’a plus qu’à convertir les promesses en réalisations concrètes.