Brazzaville scelle un pacte pour l’innovation
Un protocole d’apparence discrète, paraphé un après-midi de juillet dans les salons ministériels de Brazzaville, pourrait bien devenir le marqueur d’une nouvelle temporalité économique au Congo. En signant l’accord fondateur de l’initiative « Congo créatif 2030 », le ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation technologique, Rigobert Maboundou, et la représentante du Programme des Nations unies pour le développement, Adama Dian-Barry, ont officialisé une alliance qui, selon l’un de leurs conseillers, « ne se contente pas d’ajouter un sigle de plus à la collection des partenariats, mais vise à refondre la manière même de penser la valeur ».
Les enjeux stratégiques d’une économie de la connaissance
Depuis deux décennies, le Congo-Brazzaville s’attèle à dépasser la dépendance aux matières premières. L’ambition présidentielle, réitérée dans les feuilles de route quinquennales, postule que la maîtrise de la recherche et de la technologie constitue un accélérateur de diversification. L’initiative « Congo créatif 2030 » se situe à l’intersection de cette ligne directrice et des attentes de la jeunesse, qui réclame des perspectives d’emploi à haute valeur ajoutée. En plaçant la créativité au centre, le dispositif rejoint les conceptions contemporaines du capitalisme cognitif dans lesquelles la production de savoir devient un actif macro-économique.
Un partenariat multilatéral calibré
Le PNUD apporte un savoir-faire éprouvé dans la cartographie d’écosystèmes et l’appui aux politiques publiques. Selon les termes de l’accord, l’agence onusienne mobilisera des instruments financiers flexibles, facilitera l’accès aux programmes de recherche africains et promouvra l’intégration régionale des pôles d’excellence congolais. Pour Brazzaville, l’avantage est double : sécuriser des ressources techniques sans alourdir la dette, et inscrire sa stratégie dans la dynamique de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
Le capital humain congolais au centre de l’ambition
« Nous ne voulons plus voir nos étudiants regorger d’idées qu’ils transforment ailleurs », a insisté Rigobert Maboundou. Les universités Marien-Ngouabi et Denis-Sassou-Nguesso, de même que les instituts techniques provinciaux, bénéficieront d’un fonds de modernisation des laboratoires et d’un programme d’incubation. La démarche entend transformer les talents locaux en entrepreneurs capables de convertir des prototypes en solutions industrialisables, créatrices d’emplois qualifiés sur le territoire national.
Des défis structurels assumés
Les stratèges ne sous-estiment pas les contraintes. L’insuffisance actuelle des connexions numériques dans certaines zones, le besoin de renforcer la propriété intellectuelle et la nécessité de corriger les fractures territoriales demeurent des réalités. La représentante du PNUD reconnaît que « l’inclusivité ne sera pas automatique », mais soutient que l’approche graduelle, adossée à des indicateurs précis de performance, permettra de réduire les asymétries. Les autorités congolaises, elles, voient dans ces obstacles l’occasion de tester de nouveaux instruments, tels que les FabLabs mobiles ou les programmes d’alphabétisation numérique.
Perspective 2030 : un horizon mesurable
L’accord prévoit une série d’étapes jalonnées jusqu’en 2030 : création de trois hubs d’innovation, renforcement de deux cents start-ups, et élévation de 1,5 % à 3 % du PIB dédié à la recherche. Ces cibles, jugées exigeantes mais réalisables, seront réévaluées tous les dix-huit mois. L’échéance 2030 s’aligne sur la vision nationale de développement, offrant au pouvoir exécutif un tableau de bord concret pour suivre l’impact social, économique et environnemental des actions menées.
La diplomatie de l’innovation comme soft power
Aujourd’hui, la reconnaissance internationale se gagne autant dans les laboratoires que dans les chancelleries. À travers « Congo créatif 2030 », Brazzaville consolide son image de partenaire responsable qui investit dans la science pour générer des biens publics mondiaux : santé, climat, sécurité alimentaire. Cette diplomatie de l’innovation renforce la position du pays au sein des instances multilatérales, tout en offrant, selon un diplomate africain présent à la cérémonie, « une plateforme symbolique où la stabilité politique se conjugue avec l’audace technologique ».
Vers une écologie de la créativité pérenne
À terme, la réussite du programme reposera sur la capacité des parties prenantes à instaurer une culture de l’expérimentation pérenne. Les experts évoquent la nécessité de labelliser les bonnes pratiques, de garantir la soutenabilité budgétaire et d’ancrer l’excellence dans les collectivités locales. La trajectoire choisie par le Congo, loin d’être un simple slogan, ambitionne de faire du pays un laboratoire de la transition vers l’économie du savoir sur le continent.