Congo : l’or noir cède la place aux idées vertes

Les prémices d’un virage stratégique

Dans l’enceinte feutrée de l’hôtel Pefaco, symbole d’un Brazzaville ouvert sur la modernité, plus d’une cinquantaine d’acteurs institutionnels et civils ont planché durant quarante-huit heures sur un sujet longtemps cantonné aux notes internes : l’avenir du Congo au-delà des hydrocarbures. L’initiative, portée par la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme (R.p.d.h) sous l’égide de son coordonnateur Christian Mounzéo, s’inscrit dans la volonté, déjà affirmée par les autorités, de préparer méthodiquement la mutation économique du pays. En saluant « le gotha intellectuel réuni pour penser l’après-pétrole », le militant a rappelé que la transition ne saurait se réduire à un exercice académique, mais devait souder équité sociale, croissance verte et stabilité macro-économique.

Une convergence d’expertises au service de l’État

La représentativité de la table-ronde illustrait cette approche inclusive : directions générales ministérielles, partenaires techniques et financiers, organisations de la société civile et médias spécialisés se sont relayés autour de trois panels thématiques. Les discussions, marquées par la rigueur des économistes et la prudence des énergéticiens, ont surtout dévoilé un consensus rare sur l’urgence. « La diversification ne peut plus être un slogan », a martelé Rosine Olga Mayela Ossombi, directrice générale par intérim du développement durable au Ministère de l’Environnement. Le pragmatisme a dominé, qu’il s’agisse de cartographier les gisements d’hydroélectricité, de préciser les incitations fiscales pour la filière solaire ou de calibrer les besoins en formation d’une main-d’œuvre adaptée au futur mix énergétique.

Neuf orientations structurantes pour le futur

Au terme des échanges en carrefours, neuf axes ont été gravés dans le marbre d’une pré-feuille de route. Ils vont de la promotion intégrée des énergies renouvelables, incluant hydroélectricité de basse chute, solaire modulaire et valorisation de la biomasse, à la création de secteurs porteurs tels que l’agro-industrie à haute valeur ajoutée ou la transformation numérique appliquée aux services publics. S’y ajoutent le renforcement des cadres réglementaires et institutionnels, l’équité territoriale dans la répartition des bénéfices, une gouvernance transparente adossée à des indicateurs participatifs, la mobilisation soutenue des partenaires financiers, la montée en compétences des ressources humaines, ainsi qu’une stratégie de communication permanente destinée à inscrire le citoyen au cœur du processus. Chaque axe se décline désormais en projets pilotes assortis de calendriers indicatifs, donnant à l’exercice une lisibilité rarement atteinte jusque-là.

Des impératifs de gouvernance et de financement

La réussite du chantier dépendra toutefois de plusieurs paramètres objectifs. D’abord, l’appropriation politique : seule une traduction rapide des orientations en instruments normatifs pourra sécuriser investisseurs et bailleurs. Ensuite, la pérennité des flux financiers : les fonds de transition climatique, qu’ils émanent de la Banque africaine de développement ou du Green Climate Fund, seront décisifs, mais leur déboursement reste conditionné à des matrices de résultats strictes. Enfin, la transparence du suivi-évaluation : la R.p.d.h plaide pour un dispositif associant audit citoyen, rapportage trimestriel et open data, gage de confiance auprès d’opinions publiques de plus en plus averties. Sur ces points, les responsables gouvernementaux présents ont marqué leur adhésion de principe, conscients que la crédibilité externe du Congo se joue aussi sur le terrain de la redevabilité.

Vers une économie congolaise post-pétrole résiliente

La table-ronde n’a pas prétendu clore le débat, mais elle a fixé un horizon et une méthode. Dans les prochaines semaines, un rapport consolidé sera transmis aux autorités compétentes afin d’alimenter les arbitrages budgétaires et les négociations multilatérales. Parallèlement, des rencontres territoriales permettront d’ajuster les projets aux réalités des départements, de la Cuvette à la Bouenza, pour que nul territoire ne se sente périphérique dans la transition. L’objectif final, intangible, demeure l’émergence d’une économie diversifiée, bas carbone et socialement inclusive, en cohérence avec la vision nationale de développement à l’horizon 2030. À l’heure où les marchés du brut demeurent volatils, Brazzaville entend prouver, par cette démarche concertée, que la fin de l’or noir ne sonne pas le glas du progrès, mais ouvre au contraire un champ d’opportunités inédites pour la République du Congo.