Publié par 17h34 Actualités

Conseil de la femme : passage de flambeau décisif

Passation officielle à Brazzaville

Sous le haut plafond de l’imposant immeuble abritant le Conseil consultatif de la femme, le traditionnel cérémonial de passation s’est déroulé le 13 août à Brazzaville. Antoinette Kébi, visage serein, a remis symboliquement les dossiers officiels à sa successeure, Yennie Clara Mathurine Osseté.

La cérémonie, placée sous la modération du conseiller présidentiel Laurent Tengo, a réuni plusieurs cadres de l’administration, des représentantes associatives et la ministre en charge de la Promotion de la femme, Ines Nefer Bertille Ingani Voumbo Yallo, venue délivrer un message d’orientation institutionnelle.

Dans un climat empreint de cordialité, le décret 2025-342 du 7 août, nommant la nouvelle secrétaire exécutive, a été lu à l’assistance. S’en sont suivies visites des services, signature des parapheurs et remise d’un procès-verbal censé garantir la continuité administrative des projets en cours.

Le rôle stratégique du Conseil consultatif

Créé par la Constitution de 2015, le Conseil consultatif de la femme occupe une place charnière dans l’architecture institutionnelle congolaise. Sa mission consiste à analyser, documenter et recommander des politiques publiques favorables à l’égalité de genre, en appui aux ministères sectoriels concernés.

Selon la sociologue Béatrice Mbemba, « l’organe joue un rôle de vigie démocratique, car il fait remonter les préoccupations de terrain au sommet de l’État tout en suscitant un débat scientifique sur les inégalités ». Cette dimension, dit-elle, demeure essentielle pour vérifier l’efficacité des dispositifs légaux.

Les priorités de la nouvelle équipe

Devant ses nouveaux collaborateurs, Yennie Clara Mathurine Osseté a décliné trois priorités. Elle entend d’abord consolider l’accès des adolescentes à une éducation de qualité, vecteur éprouvé d’autonomie. Puis, intensifier la participation féminine au développement local, notamment à travers les conseils municipaux et communautaires.

Dernier axe, la valorisation des grandes figures féminines de l’histoire nationale vise à offrir des modèles positifs aux jeunes générations. « Nommer nos pionnières permet de rendre visibles leurs luttes et de nourrir une conscience collective favorable à l’égalité », explique l’historienne Armelle Mavoungou.

La ministre Ingani a salué ces orientations tout en soulignant la nécessité de produire des avis formalisés. Depuis 2019, l’assemblée générale du Conseil n’a plus été convoquée, retardant l’adoption de plusieurs études menées auprès d’agricultrices, d’entrepreneuses et d’employées du secteur informel.

Défis structurels et ressources financières

Ce déficit de délibération a été reconnu par la secrétaire exécutive sortante. Antoinette Kébi a rappelé que douze enquêtes thématiques demeurent en attente de validation, qu’il s’agisse de violences domestiques, d’accès au foncier ou d’insertion économique post-conflit, domaines pourtant jugés prioritaires par les agences onusiennes.

Pour plusieurs analystes, l’enjeu dépasse la simple réunion statutaire. La régularité des sessions conditionne la crédibilité de l’institution auprès des bailleurs internationaux, souvent sollicités pour financer les programmes de sensibilisation et de formation destinés aux femmes rurales ou aux victimes urbaines de violence.

Interrogé sur les attentes du monde associatif, le responsable de la plateforme Cellule Genre-Congo, Florent Mouanga, évoque « une meilleure synergie entre le Conseil, les ONG et les administrations ». Selon lui, l’alignement des recommandations techniques avec les politiques nationales permettra de maximiser l’impact sur le terrain.

La nouvelle équipe aura également à gérer la question budgétaire. Le dernier rapport d’exécution fait état d’une enveloppe consommée à 68 %, principalement absorbée par les charges salariales. Faute de ressources additionnelles, certaines campagnes de sensibilisation prévues dans les départements périphériques ont été différées.

Sur ce point, le ministère de l’Économie informelle entend renforcer les passerelles entre fonds publics et initiatives privées. Un projet pilote de micro-financement, testé à Dolisie auprès de femmes commerçantes, pourrait être labellisé par le Conseil pour attirer d’autres partenaires techniques, selon une source gouvernementale.

Perspectives et attente sociétale

L’expérience de la nouvelle secrétaire exécutive, diplômée en administration publique et passée par la coordination du Programme national de développement rural, est perçue comme un atout. Ses partisans estiment qu’elle saura articuler la recherche académique et les impératifs opérationnels, deux dimensions souvent cloisonnées.

Pour autant, les organisations féministes rappellent que la nomination d’une femme à un poste stratégique ne garantit pas, à elle seule, la transformation sociale. « Les indicateurs de violence sexuelle restent élevés, notamment à Pointe-Noire », observe la juriste Gisèle Kiakou, demandant une approche multisectorielle.

Dans l’immédiat, la convocation de la prochaine assemblée générale figurera comme l’épreuve de vérité du nouvel exécutif. Si elle se tient avant la fin de l’année, les acteurs pourront valider les études en suspens et lancer un plan d’action harmonisé avec les objectifs nationaux.

Au terme de la cérémonie, Yennie Clara Mathurine Osseté a déclaré vouloir « écouter avant d’agir ». Ce parti pris du dialogue, dans un contexte où la société congolaise évolue rapidement, constituera l’indicateur principal sur lequel sera jugée la prochaine séquence de son mandat.

Les prochains mois seront scrutés par partenaires et citoyennes. Au-delà des symboles, l’efficacité des actions de prévention et d’inclusion économique dira si les ambitions affichées se transforment en progrès tangibles.

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Étiquettes : , , Last modified: 14 août 2025
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