Coup d’envoi à Oyo
Dans la salle de conférence de la mairie d’Oyo, archicomble, plus de trois cents femmes venues de Boundji, Mossaka, Owando ou Makoua ont répondu à l’appel du programme GENIUS, l’incubateur imaginé par la Chambre nationale des femmes cheffes d’entreprises et entrepreneures du Congo.
Lundi 18 août 2025, la cérémonie officielle a réuni autorités locales, représentantes d’institutions internationales et acteurs économiques autour du thème Entrepreneuriat inclusif, impulsion et accélération, traduisant la volonté de positionner le département de la Cuvette comme nouveau laboratoire d’un développement porté par les coopératives féminines innovantes locales résilientes.
Pour Flavie Lombo, stratégiste-experte en politique et management de développement, présidente de la CNFCEEC, cette étape rurale complète les lancements précédents de Brazzaville et Pointe-Noire et démontre que l’esprit d’entreprise n’est pas l’apanage des capitales mais s’enracine aussi dans les territoires intérieurs de la République du Congo également.
Présents pour appuyer l’initiative, le sous-préfet Roger Louzaya Mamingui, le maire d’Oyo Gaston Yoka, la vice-maire Antoinette Ashley Nguesso Ambendet et la représentante résidente du PNUD Adama Dian Barry ont tour à tour salué un projet aligné sur le Plan national de développement 2022-2026 du pays en vigueur.
Des panels pour structurer l’élan local
Trois panels successifs ont jalonné la journée : Entrepreneuriat inclusif et chaînes de valeurs agricoles, Formalisation et inclusion financière, Formation et mentorat, chacun proposant des échanges pratiques entre expertes, universitaires et cheffes d’activités afin d’identifier les verrous spécifiques rencontrés par les agricultrices, transformatrices et commerçantes de la Cuvette nord.
Animés par la juriste Roselyne Tchikaya-Lombo, les ateliers ont fait ressortir l’importance d’un cadre juridique simplifié pour inciter les micro-entreprises à se formaliser, condition indispensable pour prétendre aux marchés publics, accéder aux dispositifs de garantie et bénéficier des allégements fiscaux réservés aux petites structures émergentes du pays entier.
Sur le volet agricole, l’enseignant-chercheur Alphonse Mannée-Batschy a insisté sur la nécessité de maîtriser la chaîne de valeur, depuis la production jusqu’au conditionnement, pour capter la marge, créer des emplois durables et réduire la dépendance aux importations, notamment dans le segment des denrées de première nécessité au Congo.
La juriste Blanche Ikogne, vice-présidente de la CNFCEEC, a rappelé que le mentorat restait central : chaque porteuse de projet sélectionnée sera suivie pendant dix-huit mois par une professionnelle aguerrie, garantissant transfert de savoirs, ouverture de réseaux et évaluation continue de la progression individuelle au sein du programme GENIUS.
Inclusion financière portée par le numérique
La directrice générale adjointe de Mobile Money à MTN Congo, Edline Raëlle Kiminou, a présenté des chiffres révélateurs : 2,6 millions d’abonnés, 46 000 points de vente et 800 localités couvertes, faisant de la plateforme un vecteur décisif d’inclusion financière dans toutes les régions de la République du Congo aujourd’hui même.
Selon elle, le téléphone portable devient un terminal bancaire de poche, autorisant paiements, épargne et microcrédit sans frais excessifs ; une fonction cruciale pour les cheffes de coopérative qui doivent sécuriser leurs recettes quotidiennes et payer leurs fournisseuses sans transporter d’importantes sommes en liquidités dans les zones rurales isolées.
L’expert financier Simplice Mounianga a pour sa part souligné que la connexion des comptes Mobile Money aux établissements de microfinance partenaires permettait d’augmenter la profondeur du crédit, puisque l’historique des transactions alimente dorénavant les modèles d’évaluation de risque adoptés par les agences locales et banques commerciales congolaises associées.
Pour faciliter l’adoption, MTN Congo a annoncé l’installation prochaine de kiosques dédiés dans les principaux marchés d’Oyo et des communes voisines, offrant assistance, formation basique à la cybersécurité et démonstrations pratiques, afin que chaque utilisatrice intériorise les réflexes nécessaires à une gestion électronique responsable et totalement sécurisée quotidienne.
Un levier d’autonomisation durable
Conçu pour accompagner la vision présidentielle de diversification économique, GENIUS cible prioritairement l’agriculture, la transformation locale et les services, trois secteurs jugés capables de générer rapidement des richesses et des emplois qualifiés, tout en renforçant la sécurité alimentaire et la résilience des communautés rurales de la Cuvette nord.
Le dispositif prévoit une formation initiale de quatre semaines, puis un suivi individualisé, jusqu’à l’accès au financement via les guichets du ministère des Petites et moyennes entreprises, des banques partenaires et du PNUD ; mille femmes devraient ainsi être formées d’ici fin 2026, selon l’organisme coordinateur national du programme.
Au-delà des chiffres, plusieurs participantes ont témoigné : Marie-Rose, productrice d’huile de palme à Makoua, espère acquérir un moulin motorisé ; Claudine, couturière à Ngoko, vise la vente en ligne de ses pagnes modernisés ; toutes soulignent que la solidarité de groupe renforce la confiance et favorise l’entraide entre générations successives.
Le succès du déploiement dans la Cuvette servira de baromètre national ; si les indicateurs sont positifs, la CNFCEEC envisage déjà d’étendre GENIUS à l’ensemble des districts, convaincue que l’entrepreneuriat féminin constitue l’une des réponses les plus efficaces à la pauvreté et aux inégalités dans tout le territoire congolais.
