Une reconnaissance internationale
Le 22 août, à Singapour, la Congolaise Mélodie Boueya a reçu le doctorat honoris causa du Global Institute for Management, devenant la première Brazzavilloise, et la plus jeune femme de son pays, à être saluée par cette institution réputée pour son exigence académique.
Le geste distingue bien plus qu’un parcours individuel : il consacre la vitalité entrepreneuriale féminine en Afrique centrale et rappelle que le capital humain constitue un levier stratégique du développement national, conformément aux priorités retenues dans le plan national de développement 2022-2026.
Dans la salle comble, diplomates, universitaires et dirigeants d’incubateurs saluaient l’ascension de cette coach d’affaires dont la trajectoire, entamée il y a tout juste une décennie, témoigne d’une robustesse méthodologique et d’une capacité d’adaptation souvent citées en exemple par les analystes régionaux.
Trajectoire de Poto-Poto au leadership mondial
Originaire du quartier Poto-Poto, Mélodie Boueya obtient un master en finance avant de s’orienter vers le coaching, convaincue que la transmission de compétences managériales modernes conditionne l’éclosion d’entreprises durables, viables et créatrices d’emplois pour les femmes comme pour les hommes.
Elle fonde World Winner Academy en 2018, laboratoire d’apprentissage qui combine méthodes anglo-saxonnes et réalités locales, misant sur l’innovation, l’intelligence émotionnelle et le réseautage afin de réduire le taux d’échec des jeunes entreprises, estimé à plus de soixante pour cent dans la sous-région.
Ses programmes, labellisés par plusieurs partenaires internationaux, ont déjà touché plus de dix mille apprenants, dont une majorité de femmes, offrant accompagnement stratégique, mentorat et accès à des financements de démarrage issus de réseaux d’investisseurs africains et asiatiques.
Distinctions et impact sociétal mesurable
Témoin de ces résultats, le Global Institute for Management souligne que la lauréate a démontré une capacité à « transformer des idées abstraites en projets économiquement viables tout en préservant une éthique sociale », critère central du classement annuel des jeunes leaders qu’il publie depuis 2010.
Le couplage du doctorat honoris causa avec le Prestige Business Leader Award 2025 reflète cette convergence entre performance économique et contribution sociétale, deux dimensions jugées indispensables à l’atteinte des Objectifs de développement durable, notamment ceux relatifs à l’égalité de genre et à l’emploi décent.
Interrogée en marge de la cérémonie, la professeure Lim Mei Hui, spécialiste des dynamiques de genre en entreprise, estime que « le parcours de Boueya illustre la montée d’une génération africaine capable d’exporter ses modèles managériaux sans perdre de vue les solidarités communautaires ».
Autonomisation et politiques publiques au Congo
Sur le terrain congolais, l’exemple résonne fortement auprès des associations de lutte contre les violences sexistes qui insistent depuis des années sur le rôle de l’autonomisation économique pour réduire la dépendance financière, souvent identifiée comme un facteur d’emprise dans les relations abusives.
Le réseau Femmes Debout constate déjà une hausse des inscriptions à ses ateliers d’entrepreneuriat depuis l’annonce de la distinction, signe que la visibilité médiatique d’un rôle modèle peut susciter vocations et confiance, ingrédients décisifs d’une transformation sociale durable.
Le ministère de la Promotion de la femme et de l’intégration de la femme au développement rappelle que la stratégie nationale pour l’égalité 2022-2026 mise sur l’entrepreneuriat pour réduire de vingt pour cent le taux d’inactivité des jeunes citadines.
Numérique et solidarité transnationale
Des modules gratuits d’initiation au numérique, pilotés en partenariat avec l’Agence de régulation des postes et communications électroniques, complètent désormais les formations de World Winner Academy, gommant une fracture qui pénalisait particulièrement les porteuses de projets en zones périurbaines.
En outre, la diaspora congolaise de Singapour et Kuala Lumpur s’est engagée à créer une plateforme de micro-mécénat permettant aux mentors internationaux de cofinancer des actions d’accélération, renforçant ainsi le maillage entre communautés d’expatriés et écosystème entrepreneurial national.
Sur le plan macroéconomique, les chercheuses de l’Université Marien-Ngouabi rappellent qu’une augmentation de dix pour cent de l’entrepreneuriat féminin pourrait générer un point supplémentaire de croissance annuelle, à condition d’un accès facilité aux marchés publics et au crédit bancaire.
Vers un écosystème de croissance inclusive
Dans cette perspective, les réformes engagées pour simplifier la création d’entreprise et promouvoir le label Made in Congo constituent, selon la Chambre de commerce, un environnement propice à la duplication d’initiatives telles que World Winner Academy et à l’émergence de chaînes de valeur locales.
Les partenariats public-privé noués avec des plateformes numériques asiatiques ouvrent en outre des perspectives d’exportation pour les entrepreneures congolaises, notamment dans les secteurs des services créatifs, de l’agro-transformation et des technologies éducatives, où la demande régionale demeure en forte croissance.
Responsabilité générationnelle et avenir féministe
Pour Mélodie Boueya, la distinction n’est qu’un commencement ; elle prévoit de lancer, dès 2024, un fonds d’investissement dédié aux projets portés par les femmes de moins de quarante ans, avec un volet formation visant à renforcer la littératie financière et la gouvernance inclusive.
« Nous voulons être le pont entre la créativité locale et les institutions continentales », résume-t-elle, confiante dans la capacité des nouvelles générations à conjuguer innovation, responsabilité et solidarité, valeurs qu’elle juge indispensables pour bâtir un avenir où aucun rêve n’est inaccessible.











