Dolisie, carrefour des ambitions économiques
En moins d’un demi-siècle, Dolisie est passée du statut de bourg forestier à celui de plateforme commerciale reliant Pointe-Noire à Brazzaville. Son réseau ferroviaire, sa proximité avec la frontière gabonaise et ses gisements forestiers en font aujourd’hui une place stratégique de la diversification économique poursuivie par le Congo. C’est donc sans surprise que la caravane nationale de l’entrepreneuriat, portée par le ministère des Petites et moyennes entreprises et de l’Artisanat, a choisi la capitale du Niari pour déployer son nouveau segment, confirmant la vocation de la ville à jouer un rôle pilote.
Un dispositif itinérant pensé pour la jeunesse
Lancée en mars à Ignié puis étendue aux départements méridionaux, la caravane répond à deux exigences : mailler le territoire et abaisser les barrières à l’entrée entrepreneuriale. La ministre Jacqueline Lydia Mikolo rappelle que « ce programme va au-devant des publics éloignés, apportant conseils juridiques, formations et accès simplifié au financement ». Sous le mot d’ordre « Jeunes, osez entreprendre », l’initiative vise à transformer des intentions dispersées en projets formalisés, grâce à des sessions de coaching intensif et la présence d’une banque de l’entrepreneur mobilisable sur place.
Quantifier l’élan, qualifier les besoins
Les premiers relevés livrés par l’Agence de développement des Très petites, petites et moyennes entreprises font état de 8 996 porteurs d’idées répertoriés, répartis presque à égalité entre hommes et femmes. Cette parité inattendue dans un secteur longtemps dominé par les hommes signale un tournant sociologique majeur. Agriculture raisonnée, écotourisme, transformation du bois, services numériques : les créneaux plébiscités traduisent une appétence pour les filières où le Niari dispose d’avantages comparatifs. L’agence affine désormais des plans d’accompagnement modulés selon le degré de maturité des dossiers, depuis la simple idée jusqu’au prototype prêt à être industrialisé.
Retours d’expérience et capital social
Marcel Koussikana, premier citoyen de la ville, insiste sur la dimension de cohésion : « Chaque jeune qui crée son activité devient vecteur d’insertion pour deux ou trois autres, l’impact multiplicateur est réel ». Sur le terrain, des micro-communautés d’entraide se constituent ; elles mutualisent équipements de transformation, solutions logistiques ou expertise comptable. Dans une région où l’économie informelle reste prégnante, cette densification du capital social apparaît essentielle pour formaliser un tissu de PME résilientes.
Les observateurs internationaux saluent la méthode. Pour l’économiste camerounais Michel Pebga, invité du panel inaugural, « la valeur ajoutée du programme congolais est de combiner accompagnement technique et narration positive, afin de faire de l’entrepreneur la figure moderne de la réussite collective ». Cette approche communicationnelle favorise la démystification du risque et stimule un imaginaire de progrès compatible avec les attentes d’une jeunesse ultra-connectée.
Entre transition verte et intégration sous-régionale
La dimension environnementale n’est pas en reste. L’économie circulaire occupe une place de choix, à la faveur des abondantes ressources forestières et hydriques. Le ministère encourage les porteurs de projets à privilégier la transformation locale, réduisant l’empreinte carbone et maximisant la valeur captée in situ. Dans le même temps, la zone de libre-échange continentale africaine ouvre des débouchés nouveaux pour des productions certifiées « made in Niari ».
Au-delà de la seule création d’entreprises, le pari affiché est de consolider une classe moyenne émergente, capable de soutenir la consommation intérieure et de participer activement à la modernisation des services publics. Dans cette perspective, Dolisie pourrait devenir, à court terme, un pôle d’intégration économique sous-régional attirant capitaux gabonais, angolais et rwandais, tout en offrant au Congo une vitrine de sa stratégie d’industrialisation douce.
Vers un modèle exportable sur l’ensemble du territoire
Si l’expérience dolisienne confirme les résultats observés à Ignié, la caravane s’étendra prochainement au Kouilou et à la Cuvette. L’objectif chiffré du gouvernement est clair : placer 30 000 jeunes entrepreneurs sur la rampe d’ici à 2026. Dans un contexte international où la résilience économique se mesure à la capacité d’innovation des territoires, le Congo joue ici une carte stratégique, conjuguant volontarisme politique, ingénierie financière et dynamisme sociétal.
Pour l’heure, la courbe d’apprentissage demeure, mais elle se nourrit déjà de success stories locales. La future Silicon Niari n’est certes pas encore tout à fait née ; toutefois, à la faveur des forêts d’okoumé, du fleuve Niari et d’une volonté publique affirmée, la sève entrepreneuriale circule. Elle irrigue un terreau où compétences, capitaux et ambitions convergent, laissant entrevoir un horizon où la jeunesse congolaise ne sera plus spectatrice, mais actrice centrale de la croissance nationale.