Fespam 2025: Brazzaville fait vibrer l’austérité

Brazzaville s’offre un souffle mélodique

Le rideau s’est levé au soir du 19 juillet sur la scène solennelle du Palais des congrès, drapée d’un éclairage chatoyant où se mêlaient les couleurs des vingt-deux pays invités. En déclarant officiellement ouverte la douzième édition du Festival panafricain de musique, le président de la République Denis Sassou Nguesso a rappelé « la vocation de la capitale congolaise à demeurer un carrefour culturel et un havre d’espérance continentale ». L’assistance, composée de diplomates accrédités, d’artistes de renom et d’un public intergénérationnel, a aussitôt embrayé sur un long tonnerre d’applaudissements, prélude à une nuit d’énergies fécondes.

Une programmation resserrée mais signifiante

La rigueur budgétaire imposée par la conjoncture internationale n’a pas entamé l’esprit de la fête. Le commissaire général Hugues Gervais Ondaye a privilégié une grille réduite en effectifs mais riche en symboles, faisant la part belle aux formations vocales et aux ensembles acoustiques capables de porter, sans débauche d’infrastructure, l’essence du patrimoine immatériel africain. « Chaque note jouée devra résonner comme un trait d’union entre nos peuples », a-t-il précisé en marge de la cérémonie.

Ainsi, la kora mandingue, le likembe bantou et les polyphonies swahilies se succèdent pour composer un récit sonore où la diversité s’écoute comme un manifeste. Dans les allées du festival, la ministre Marie-France Lydie Hélène Pongault insiste sur le caractère stratégique d’un tel choix : « La contrainte financière devient, paradoxalement, une opportunité de recentrer le Fespam sur l’authenticité et l’émergence de jeunes talents ». Une centaine d’artistes, venus d’Afrique centrale, de la diaspora caribéenne et de l’espace lusophone, partagent ainsi la scène dans un format hybride alliant concerts, ateliers de lutherie et conférences universitaires.

Un vecteur de diplomatie culturelle

Présente à Brazzaville, la représentante résidente de l’Unesco, Fatoumata Barry Marega, a salué une initiative « accordée à la Décennie de la racine africaine ». Le message audio d’Audrey Azoulay, directrice générale de l’Organisation, a souligné la convergence entre les objectifs du Fespam et ceux de l’Unesco en matière de sauvegarde du patrimoine vivant. Au-delà de l’hommage, cette collaboration confère au festival une dimension de diplomatie douce : elle place le Congo à la table des nations qui misent sur la culture comme levier d’influence pacifique.

Sur le plan géopolitique, l’événement participe à la redéfinition d’une image régionale parfois réduite aux indicateurs macro-économiques. En accueillant des délégations de l’Union africaine, mais aussi des représentants d’Instituts culturels européens et asiatiques, Brazzaville expose une capacité à fédérer des dialogues pluriels. « La musique est un langage universel mais aussi une stratégie de négociation », résume un diplomate ouest-africain présent dans la salle. Cette stratégie s’inscrit dans la lignée des grands dossiers de coopération culturelle portés par le chef de l’État, comme la restitution des biens patrimoniaux ou la création d’aires transfrontalières de tourisme mémoriel.

Entre résilience économique et ambition créative

En arrière-plan de la scène, l’enjeu économique demeure prégnant. Les autorités tablent sur une hausse de la fréquentation hôtelière de l’ordre de 15 % pendant la quinzaine festive. L’aéroport international Maya-Maya, rénové en 2023, affiche déjà un trafic passager en progression. Les petites et moyennes entreprises locales, qu’il s’agisse d’artisans de la rue Koulou ou de traiteurs de la corniche du fleuve, bénéficient d’un surcroît d’activité visible.

Le festival épouse ainsi la stratégie gouvernementale de diversification esquissée dans le Plan national de développement 2022-2026, où l’économie créative occupe un chapitre inédit. La multiplication d’incubateurs culturels, à l’image du futur Centre panafricain des arts de Makélékélé, vise à consolider un tissu productif non dépendant des hydrocarbures. Selon le ministère du Plan, la contribution des industries culturelles et créatives pourrait atteindre 3 % du PIB d’ici à 2030. Une perspective modérée mais significative dans un environnement où chaque vecteur de croissance endogène est recherché.

Vers 2025, les défis d’une pérennisation

Si la présente édition se veut un signal, la question de sa pérennité interroge experts et bailleurs. Les financements privés demeurent timides, freinés par une perception de risque encore vive au sein des cercles d’investissement internationaux. Pour autant, des pourparlers avancés avec la Banque africaine de développement et l’Agence française de développement laissent entrevoir des mécanismes innovants de cofinancement, adossés à des objectifs de formation professionnelle dans la filière musicale.

Dans l’immédiat, le public répond présent : les guichets du Palais des congrès affichent complet pour les trois premières soirées. À la sortie, une spectatrice congolaise confie : « Nous avons besoin de ces moments pour croire en notre avenir commun ». Entre l’ovation d’une salle comble et les partitions encore résonnantes dans la nuit brazzavilloise, le Fespam 2025 s’achève sur la promesse d’un futur où la créativité garde le tempo de la résilience nationale.