Fespam 2025 : échos neufs pour le musée vivant

Un Festival au service de la mémoire organologique

Devenu une institution continentale depuis sa première édition en 1996, le Festival panafricain de musique s’est imposé comme un laboratoire de sauvegarde des savoirs sonores. La douzième édition, organisée du 19 au 26 juillet 2025 à Brazzaville, renoue avec cette vocation fondatrice en procédant à la réception solennelle de nouveaux instruments traditionnels destinés au Musée panafricain de la musique. Sous le regard attentif de la ministre de l’Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs, Marie Hélène Lydie Pongault, et du commissaire général du Fespam, Hugues Gervais Ondaye, la cérémonie du 21 juillet a donné le ton d’une édition placée sous le signe de la transmission intergénérationnelle.

Diplomatie culturelle et solidarité panafricaine

Les dons opérés par la République démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire, la Mauritanie, le Rwanda et le Sénégal ne relèvent pas d’un geste muséal anodin. Ils traduisent l’émergence d’une diplomatie culturelle proactive où l’échange d’artefacts devient vecteur de rapprochement politique. En accueillant ces pièces, Brazzaville s’affirme comme un carrefour symbolique des identités musicales africaines, tandis que les pays donateurs renforcent leur visibilité internationale. Cette synergie répond aux orientations stratégiques du gouvernement congolais qui, sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, promeut une politique de coopération culturelle équilibrée et inclusive.

Les voix singulières des nouveaux trésors instrumentaux

Parmi les joyaux reçus, le pendé et le tambour kongo rappellent la puissance rituelle des percussions d’Afrique centrale. Le goni ivoirien, flûte-luth des griots, porte la mémoire des cours mandingues, tandis que l’inanga maure, traditionnellement réservé aux hommes, se nimbe d’une aura de sagesse. Le umuduri rwandais, arc monocorde des berceuses pastorales, et le xylophone sénégalais, clé des ensembles sabar, complètent un panorama sonore où chaque objet devient archive incarnée. “Le goni ne se joue pas, il raconte”, a insisté Abdou Sambadjiata, directeur général de la Culture de Côte d’Ivoire, réaffirmant la valeur testimoniale de l’instrument.

Le musée numérique, vitrine globale du patrimoine

Inauguré au sein de l’École nationale des beaux-arts Paul-Kamba en 2008, le Musée panafricain de la musique compile aujourd’hui près d’un millier de pièces issues de vingt-et-un pays. Sa collaboration, dans le cadre du programme Prima, avec le Musée des instruments de musique de Bruxelles a permis la numérisation haute définition des collections. Cette dématérialisation, accessible depuis plusieurs plateformes éducatives, ouvre un champ de recherche inédit pour les musicologues tout en préservant les spécimens de l’usure liée à la manipulation.

Paris d’avenir pour l’économie créative congolaise

Au-delà de la conservation, l’enrichissement du fonds organologique engendre des retombées économiques. La mise en valeur touristique du musée irrigue les filières hôtelières, artisanales et audiovisuelles de Brazzaville. Selon le ministère congolais de l’Économie, chaque édition du Fespam génère un volume de transactions estimé à près de six milliards de francs CFA. L’arrivée d’instruments inédits, sources d’inspiration pour les luthiers et les artistes contemporains, devrait amplifier ces flux et consolider l’écosystème des industries culturelles nationales.

Vers une symphonie durable des identités africaines

En clôturant la cérémonie de remise, la ministre Lydie Pongault a célébré “un patrimoine vivant que nous avons le devoir de transmettre intact aux générations futures”. Cette déclaration résume l’ambition du Fespam 2025 : forger une mémoire collective garante de la cohésion continentale. Soutenue par un cadre politique stable et des partenariats muséaux innovants, la démarche conforte la République du Congo dans sa position de chef d’orchestre d’une symphonie panafricaine où chaque instrument, chaque timbre, trouve sa juste fréquence. Ainsi se dessine une diplomatie du son, subtile mais puissante, qui réaffirme la place centrale de Brazzaville dans le concert des nations africaines.