Fespam: Brazzaville débloque les fonds OIF

Brazzaville, carrefour culturel d’une francophonie en mouvement

La tenue, au Palais des congrès de Brazzaville, d’une séance d’information orchestrée par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) quelques heures seulement après la clôture de la masterclass sur la découvrabilité musicale témoigne de la densité inédite de l’agenda culturel congolais. Alors que le Festival panafricain de musique (Fespam) s’apprête à célébrer sa douzième édition, la capitale congolaise se positionne comme une plaque-tournante pour les opérateurs francophones de la création. Cette articulation, à la fois chronologique et stratégique, illustre la volonté partagée des autorités nationales et de la Francophonie de placer le Congo au cœur d’un réseau où la circulation des œuvres va de pair avec la circulation des idées.

De la découvrabilité musicale à la circulation des œuvres

Au-delà du symbole, la programmation conjointe de la masterclass et de la session d’information met en lumière un enjeu central de l’économie culturelle contemporaine : la découvrabilité. Dans un espace numérique saturé, rendre visible une œuvre s’avère souvent plus déterminant que la produire. L’OIF entend ainsi doter les artistes congolais d’outils méthodologiques pour optimiser leur présence sur les plateformes globales, condition préalable à toute stratégie d’exportation. « La visibilité, c’est le premier visa pour franchir les frontières », confie Kanel Engandja Ngoulou, coordonnateur de projets à l’organisation. La mise à disposition de données de marché, de conseils en référencement et de formations en marketing digital vient compléter le soutien financier, créant un continuum qui va de la conception à la diffusion.

Mécanismes financiers de l’OIF : un levier à saisir

Les professionnels présents le 24 juillet décortiqueront surtout les deux instruments budgétaires phares de la Francophonie, souvent méconnus dans la sous-région. Le premier, dédié à la mobilité, couvre les coûts logistiques inhérents aux tournées, résidences ou invitations à des salons internationaux. Le second, plus large, s’adresse aux structures porteuses de projets collectifs, qu’il s’agisse de festivals, d’éditions littéraires ou de coproductions audiovisuelles. Les critères, transparents et fondés sur l’équité linguistique, ne réservent aucune priorité thématique, « afin que la créativité ne soit pas corsetée par des agendas normatifs », rappelle un responsable francophone. Pour les artistes congolais, souvent confrontés à l’étroitesse du marché intérieur, ces financements constituent un vecteur essentiel d’amortissement du risque entrepreneurial.

Une dynamique nationale favorable aux industries créatives

Le gouvernement congolais n’a pas attendu l’initiative actuelle pour placer la culture au rang de secteur stratégique. Après l’adoption du Plan national de développement 2022-2026, qui réserve un chapitre entier à l’économie créative, les autorités rappellent régulièrement que la diversification post-pétrole passe aussi par les arts vivants et numériques. La récente rénovation du Centre culturel de Kintélé et la modernisation partielle du réseau des Alliances françaises s’inscrivent dans cette même perspective. Dans ce contexte, la coopération avec l’OIF apparaît moins comme une aide exogène que comme un amplificateur d’un dispositif déjà en cours de structuration. L’alignement des priorités permet notamment d’éviter la redondance de programmes et d’orienter le financement vers des maillons encore fragiles, tels que la distribution ou la post-production.

Vers une diplomatie culturelle renforcée

Au-delà du circuit économique, la portée géopolitique de la séance du 24 juillet n’échappe à personne. En servant de trait d’union entre artistes, institutions et partenaires internationaux, l’OIF contribue à consolider l’image d’un Congo ouvert, créatif et stabilisateur au sein de la sous-région. « La culture offre une surface de dialogue parfois plus large que les canaux diplomatiques classiques », souligne un diplomate accrédité à Brazzaville, pour qui l’essor du soft power congolais s’appuie sur un socle francophone solide. Dans un monde traversé par de nouvelles rivalités, la mobilisation des industries culturelles devient une façon de négocier sa place dans la mondialisation, tout en préservant la singularité des expressions locales. La prochaine étape, glisse-t-on déjà dans les couloirs du ministère de la Culture, consistera à formaliser un observatoire permanent de la mobilité artistique afin de mieux mesurer, à terme, le retour sur investissement social et diplomatique.

Cap sur l’internationalisation des talents congolais

Au sortir de la session, les bénéficiaires potentiels auront en main non seulement les clés d’un guichet financier mais aussi la feuille de route d’une carrière à l’échelle du monde francophone. Si l’OIF mobilise des budgets, c’est aux artistes, aux managers et aux collectivités locales de convertir ces opportunités en trajectoires durables. L’écosystème réuni autour du Fespam fournit à cet égard un laboratoire grandeur nature, propice aux synergies et à l’innovation. À l’aube de la douzième édition du festival, la boucle est bouclée : la musique, articulée aux autres disciplines, redevient le moteur d’une ambition nationale où la création occupe, aux côtés de l’économie verte et du numérique, une place décisive dans la projection internationale du Congo.