FESPAM : résonances et défis d’une renaissance

FESPAM, mémoire vivante d’un projet panafricain

Créé en 1996 sous l’impulsion conjointe de l’Union africaine et de la République du Congo, le Festival panafricain de musique a longtemps incarné l’idée d’un continent rassemblé autour de son patrimoine sonore. Scènes ouvertes à la pluralité des esthétiques, marché des arts foisonnant, débats sur la circulation des œuvres : l’événement, d’emblée, dépassait la dimension festive pour se positionner comme instrument stratégique de la diplomatie culturelle congolaise. La reconnaissance de la rumba congolaise au patrimoine immatériel de l’UNESCO, obtenue en 2021, prolonge cette ambition d’une voix partagée de part et d’autre du fleuve.

En inscrivant le FESPAM dans la durée, Brazzaville affirmait ainsi sa vocation de carrefour culturel d’Afrique centrale. Les premières éditions, portées par une effervescence populaire et un soutien étatique constant, ont fait affluer musiciens, musicologues et opérateurs venus de Lagos, Bamako ou La Havane. Cette mémoire glorieuse constitue aujourd’hui un référent mobilisateur aussi bien pour les acteurs institutionnels que pour une jeunesse avide d’espaces d’expression.

Ralentissement conjoncturel et résilience institutionnelle

Depuis la crise économique de 2015, aggravée par la volatilité des cours du pétrole puis par la pandémie de Covid-19, les ressources publiques affectées aux industries culturelles ont connu une contraction sensible. Le FESPAM n’a pas échappé à cette séquence contrainte : reports successifs, formats réduits, recours accru au numérique. Pourtant, le récent lancement d’une « édition de transition » présidée par Denis Sassou Nguesso atteste d’une volonté politique de préserver le symbole, même en effectif restreint. Le chef de l’État a rappelé, dans son allocution d’ouverture, que « la culture demeure le ciment de la cohésion nationale et le levier d’une influence africaine apaisée ».

Le ministère de l’Industrie culturelle et des Arts souligne, chiffres à l’appui, que les dépenses engagées pour la logistique ont été réorientées vers la formation de techniciens du son et de la lumière, préparant ainsi une montée en gamme qualitative. Autrement dit, la modération budgétaire devient un choix stratégique : consolider les capacités locales plutôt que recourir systématiquement à des prestataires extérieurs.

Synergie transfrontalière et diplomatie de la rumba

Alors que Kinshasa multiplie les grands rendez-vous musicaux, la tentation du comparatisme est forte. Néanmoins, les autorités congolaises privilégient une logique de complémentarité plutôt que de compétition. Le commissaire général du FESPAM rappelle que « l’axe Brazzaville-Kinshasa est un laboratoire unique de co-création artistique ». Des passerelles se renforcent : ateliers de rumba transfrontalière, résidences d’écriture impliquant orchestres des deux capitales, projets cofinancés par l’Organisation internationale de la Francophonie.

La diplomatie culturelle congolaise mise sur ces synergies pour élargir l’audience du festival au-delà des frontières nationales et attirer un tourisme d’affaires encore embryonnaire. Dans cette perspective, la mise à niveau des infrastructures – de l’aéroport Maya-Maya au réseau hôtelier – constitue un chaînon essentiel. Plusieurs partenariats public-privé, en cours de négociation selon les services du Premier ministre, visent une labellisation durable des sites d’accueil.

Les conditions d’une relance inclusive et durable

Les observateurs convergent sur trois leviers principaux. D’abord, une gouvernance renforcée : l’élargissement du comité scientifique à des sociologues et économistes de la culture doit permettre d’affiner les indicateurs d’impact, qu’il s’agisse de fréquentation, de retombées fiscales ou de diffusion numérique. Ensuite, un financement mixte : la loi sur le mécénat culturel, adoptée en 2022, offre des incitations fiscales aux entreprises locales prêtes à investir. Enfin, l’innovation technologique : diffusion en streaming, monétisation via les plateformes africaines et utilisation d’archives sonores numérisées pour toucher la diaspora.

La société civile reste, elle aussi, partie prenante. Des collectifs de rappeurs de Bacongo aux chorales traditionnelles de Pool, chacun réclame une place dans la programmation, gage d’un ancrage populaire sans lequel aucun festival ne saurait survivre. Le ministère assure travailler à un quota de scènes périphériques destinées aux quartiers et aux villes secondaires, afin que la fête musicale irrigue le territoire au-delà de la capitale.

FESPAM, miroir d’une ambition culturelle nationale

À l’heure où l’économie des spectacles se mondialise, le FESPAM demeure un terrain d’expérimentation pour le Congo-Brazzaville, soucieux de conjuguer rayonnement international et renforcement identitaire. Sans occulter les difficultés structurelles, l’État donne des signaux de continuité : maintien d’une ligne budgétaire dédiée, implication personnelle du président de la République, dialogue avec les bailleurs multilatéraux. La crédibilité d’une relance passe désormais par la mise en œuvre concrète des engagements annoncés et par la capacité des acteurs privés à s’approprier le projet.

Le prochain cycle biennal, prévu en 2025, sera donc déterminant. Si les orientations évoquées se matérialisent, l’événement pourrait retrouver la splendeur qui fit jadis vibrer le continent. Entre héritage et adaptation, le FESPAM incarne la conviction qu’une nation se raconte aussi par les voix qui la chantent et les rythmes qui la font danser.