Publié par 15h27 Actualités

Festival Mwasi : Brazzaville se lève pour les femmes

Brazzaville accueille le cinéma féminin africain

Brazzaville s’apprête à vibrer du 25 au 31 août au rythme du premier festival Mwasi, dédié aux films africains réalisés ou produits par des femmes. Pour de nombreux cinéphiles, l’événement constitue plus qu’une célébration artistique : c’est un acte de visibilité politique.

Dans un pays où les violences sexistes restent souvent tues, mettre en lumière des œuvres portées par des voix féminines revient à créer un espace symbolique de résistance et de dialogue. La programmation rappelle que la caméra peut devenir un outil de plaidoyer.

Un écran pour dire l’indicible

Pour Bill Kouelany, artiste plasticienne et marraine du projet, « projeter ces films, c’est donner chair à des récits longtemps confinés aux foyers ». Son équipe des Ateliers Sahm a conçu un dispositif visant à associer projections, performances et ateliers de parole.

Ces espaces éphémères accueilleront des survivantes de violences conjugales, des juristes et des psychologues. Les discussions post-projection permettront de relier émotion et analyse, favorisant ainsi une compréhension collective des mécanismes de domination et des pistes de résilience.

Programmation engagée et éclectique

Neuf longs métrages et six courts seront présentés. De Nha Fala de Flora Gomes à Atlantique de Mati Diop, chaque œuvre explore une facette de la condition féminine : migration, héritage, corps, filiation ou maternité parfois contrainte.

Le film rwandais Father’s Day, programmé lors de la clôture, aborde sans détour l’inceste et la réparation judiciaire. La directrice du festival estime que « l’esthétique narrative permet d’aborder frontalement des sujets tabous sans verser dans le sensationnalisme » (déclare la directrice).

Une attention particulière a été portée aux formats. Les courts métrages, plus accessibles aux jeunes réalisatrices faute de budgets élevés, rappellent que l’économie créative peut offrir un premier tremplin à celles dont la voix reste sous-représentée dans la production continentale.

Des lieux symboliques, une ville mobilisée

Le choix des sites prolonge le discours. L’hôtel Maya-Maya, l’Espace Louzolo ou la Sorbone accueillent le public dans des cadres distincts, soulignant la transversalité sociale des enjeux. Bacongo, quartier historique, devient le cœur battant de cette cartographie culturelle.

Les organisateurs misent sur la gratuité ou des tarifs réduits pour attirer les habitants des périphéries. La mobilisation de bénévoles, principalement des étudiantes, illustre une appropriation locale du festival et renforce son ancrage citoyen.

Violences sexistes : la fiction comme miroir

Une étude de l’Université Marien-Ngouabi signale que 63 % des jeunes congolaises interrogées déclarent avoir été témoins de violences sexistes dans leur entourage. Les récits de Mwasi résonnent donc avec une réalité sociétale documentée mais encore peu discutée publiquement.

Le psychologue social Richard Banzouzi rappelle que « regarder la violence à l’écran provoque un effet cathartique, surtout lorsque la narration propose une issue ». Selon lui, la valeur préventive du cinéma dépend cependant de la qualité des débats organisés après chaque séance.

Paroles d’artistes et d’expertes

Maggie Kamal, réalisatrice du court Microbus, décrit son film comme « un huis clos sur la peur du regard masculin ». Elle espère que les spectatrices y trouveront un miroir fidèle mais non fataliste de leur quotidien, entre solidarité féminine et désir d’autonomie.

Mati Diop, jointe par visioconférence, souligne l’importance des festivals africains pour contourner « l’asymétrie de distribution ». À ses yeux, montrer Atlantique à Brazzaville permet d’élargir le débat sur les risques encourus par les migrantes dans l’espace maritime sénégalais.

Côté expertise juridique, l’avocate Clarisse Mabika animera un atelier sur les procédures de plainte pour violences sexuelles. Elle insiste sur la nécessité de conjuguer sensibilisation artistique et accompagnement concret, afin que l’émotion suscitée ne retombe pas sans impact institutionnel.

Soutiens institutionnels et société civile

Le Programme des Nations unies pour le développement apporte un appui technique, tandis que des entreprises locales fournissent logistique et dotations de prix. Cette synergie répond à l’appel des Objectifs de développement durable concernant l’égalité des genres et l’autonomisation économique.

Les pouvoirs publics facilitent la mise à disposition des salles et la sécurité des sites. Selon la direction de la Culture, ces mesures démontrent « l’engagement de l’État à promouvoir un environnement respectueux des droits des femmes dans toutes les sphères ».

Vers une dynamique durable

Les organisateurs prévoient déjà des projections itinérantes dans les départements l’année prochaine. L’idée est d’éviter le piège de l’événement ponctuel pour installer une plateforme permanente de formation, de collecte de témoignages et de diffusion d’œuvres créées par des Congolaises.

À moyen terme, Mwasi veut créer un fonds de coproduction pour encourager l’écriture de scénarios axés sur la prévention des violences sexistes. Un incubateur numérique aiderait les autrices à atteindre les marchés régionaux et les plateformes de streaming.

De la première clameur du 25 août aux derniers applaudissements du 31, le festival Mwasi entend montrer qu’un écran peut éclairer bien au-delà de la salle obscure. La promesse tient en une formule simple : voir pour comprendre, comprendre pour agir.

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Étiquettes : , , Last modified: 23 août 2025
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