Un tremplin pour la nouvelle génération
Sous une pluie tropicale qui n’a pas découragé l’auditoire, trente novices de l’entrepreneuriat, presque toutes des femmes, ont reçu à Brazzaville leurs certificats du programme Genius, incubateur piloté par la Chambre nationale des femmes cheffes d’entreprises et entrepreneures du Congo, dirigée par Flavie Lombo.
Deux mois d’ateliers intensifs ont précédé cette cérémonie, en présence de la ministre des Petites et Moyennes Entreprises, Jacqueline Lydia Mikolo, et d’Adama Dian Barry, représentante du PNUD, partenaires clés d’une initiative pensée pour transformer des idées souvent embryonnaires en modèles économiques structurés.
Un partenariat public-privé stratégique
La démarche, saluée par les autorités, s’inscrit dans l’ambition gouvernementale de promouvoir la diversification économique et d’accélérer la formalisation des activités féminines, encore majoritairement informelles, afin d’élargir la base productive nationale sans rompre l’équilibre social déjà fragile après les crises récentes.
Genius articule accompagnement pédagogique, mentorat et soutien financier. Un partenariat avec le programme Ellever d’Ecobank garantit aux lauréates un accès facilité à la bancarisation et au crédit, obstacles souvent cités comme premiers freins à la croissance des micro-entreprises dirigées par des femmes congolaises.
Des compétences pratiques au cœur de la formation
Selon Flavie Lombo, « le doute initial a laissé place à une confiance calculée : chacune repart avec des outils éprouvés pour négocier, pitcher et planifier ». La présidente de la CNFCEEC insiste sur la nécessité de créer des rôles modèles locaux pour nourrir un cercle vertueux d’émulation entrepreneuriale.
Le ministère des PME voit dans ce programme un relais pour son plan national d’appui à l’auto-emploi féminin. La ministre rappelle que la compétitivité des artisans dépend autant de la qualité de formation que de leur visibilité sur les marchés, notamment à l’export où se joue l’image du Congo.
L’apport financier du PNUD, évalué à six millions de francs CFA, alimente pour sa part un dispositif d’assistance technique et de suivi post-formation. « Nous combattons la pauvreté en soutenant ces initiatives inclusives », souligne Adama Dian Barry, rappelant la difficulté de bâtir un écosystème entrepreneurial réellement favorable.
Des voix de femmes entrepreneures
Au-delà des chiffres, l’ingénierie sociale du programme repose sur la constitution de réseaux : pendant huit semaines, les participantes ont appris à mutualiser leurs capacités de production, à négocier des tarifs groupés et à partager des plateformes numériques pour accroître leur visibilité, une logique de coopération compétitive.
La française Diane Tchibota, intervenante en marketing digital, observe que beaucoup de projets féminins souffrent d’une sous-représentation sur les moteurs de recherche. Sa masterclass a donc mis l’accent sur le référencement organique, l’utilisation stratégique des réseaux sociaux et la cybersécurité, désormais indispensable dans un environnement numérique mondialisé.
Les modules de planification financière, animés par des experts locaux, ont dédramatisé la relation aux chiffres. Tables d’amortissement, seuil de rentabilité et fiscalité ont été abordés sans jargon, afin que chaque porteuse de projet puisse dialoguer d’égal à égal avec banquiers et investisseurs, souvent perçus comme intimidants.
Blanche Bafiatissa, créatrice de Bianca Biofood, affirme avoir appris « la différence entre commerce et entrepreneuriat ». Son objectif est désormais de standardiser ses jus bio et d’obtenir un code-barres international, étape préalable à la distribution en grande surface, trop coûteuse lorsqu’elle est négociée individuellement.
Perspectives régionales et ambition nationale
Pour les sociologues de l’économie solidaire, ce type d’accompagnement contribue à déconstruire les normes de genre qui confinent les femmes aux micro-marchés de proximité. La montée en compétence technique modifie le rapport symbolique au capital et augmente la légitimité des entrepreneures dans l’espace public et familial.
En un mois, la session pilote a essaimé à Pointe-Noire, avant de se déployer à Oyo. Dolisie et Ouesso suivront, pour atteindre l’objectif déclaré de mille femmes formées dans cinq villes. Le calibrage régional permet d’inclure des réalités économiques distinctes, du portuaire au forestier.
Les analystes remarquent que la démarche épouse la stratégie nationale de décentralisation économique, laquelle entend soutenir les pôles secondaires sans opposer capitale et régions. Cette articulation territoriale peut générer des chaînes de valeur complètes, de la production à la transformation, tout en créant des emplois pérennes.
À l’issue de la remise des certificats, les lauréates ont formé un groupe de messagerie pour conserver la dynamique. Si l’histoire prouve que beaucoup de cohortes se dispersent, la présence d’un mentorat continu et l’alignement avec les politiques publiques laissent augurer d’un impact durable sur l’autonomie économique féminine.
Mesure de l’impact et suivi longitudinal
Les organisateurs prévoient un reporting trimestriel des indicateurs : chiffre d’affaires, variation des emplois, accès au crédit. Ces données, consolidées avec l’appui de l’Institut national des statistiques, permettront d’évaluer la corrélation entre accompagnement et croissance, tout en affinant les modules pour la deuxième cohorte annoncée.
À moyen terme, le succès sera également mesuré par la durabilité des entreprises créées, leur capacité à franchir le cap critique des trois ans et à intégrer les chaînes d’approvisionnement nationales, soutenues par les grands projets d’infrastructures lancés dans le pays ces dernières années.











