Une nouvelle génération d’entrepreneures
Le 6 août 2025, trente entrepreneurs, dont vingt-huit femmes, ont reçu leurs certificats au terme de la première session du programme Genius, conduit par la Chambre nationale des femmes cheffes d’entreprises et entrepreneures du Congo.
Ces deux mois d’immersion ont couvert le pitch, le business plan, la planification financière et le développement personnel, autant de briques essentielles pour transformer une idée en modèle économique viable.
La présidente de la CNFCEEC, Flavie Lombo, s’est félicitée de voir « des dirigeantes autrefois hésitantes affirmer désormais leur ambition avec confiance », insistant sur l’importance d’un accompagnement qui conjugue compétence technique et sororité.
En toile de fond, l’objectif du programme est clair : doter les entrepreneures des outils pour créer des emplois pérennes, consolider la croissance et contribuer à la réduction de la pauvreté, priorités inscrites dans la stratégie nationale de développement.
Un accompagnement stratégique
Le dispositif Genius repose sur un trépied : formation intensive, mentorat et facilitation d’accès au crédit.
Ecobank appuie la bancarisation via son initiative Ellever, offrant comptes dédiés, suivi personnalisé et conditions préférentielles, un levier décisif pour des créatrices d’entreprise souvent confrontées à la frilosité des circuits financiers classiques.
Le Programme des Nations unies pour le développement a, de son côté, octroyé six millions de francs CFA à la CNFCEEC afin de couvrir les coûts pédagogiques et de consolider le dispositif d’évaluation d’impact.
Des alliances institutionnelles fortes
La ministre des Petites et moyennes entreprises, Jacqueline Lydia Mikolo, a rappelé que la promotion de l’entrepreneuriat féminin figure au cœur de la feuille de route gouvernementale, soulignant l’importance de formaliser l’activité pour accéder aux marchés publics et privés.
Selon elle, les artisanes et PME bénéficiaires « travaillent depuis longtemps à la qualité ; il leur manquait un tremplin vers la visibilité », rôle désormais assumé par Genius.
L’arrimage du programme aux politiques publiques illustre la volonté de renforcer le tissu économique local, condition indispensable à l’atteinte des objectifs de diversification prônés par le Plan national de développement 2022-2026.
Des impacts socio-économiques mesurables
Les premières données recueillies indiquent que chaque entreprise incubée pourrait générer en moyenne trois emplois directs dans les douze prochains mois, soit un potentiel de quatre-vingt-dix postes pour cette seule cohorte.
À plus long terme, la création de micro-écosystèmes d’affaires féminins pourrait stimuler la consommation locale, améliorer la sécurité alimentaire et renforcer la cohésion sociale, trois indicateurs suivis par la CNFCEEC en partenariat avec l’Institut national de la statistique.
Pour Blanche Bafiatissa, fondatrice de Bianca Biofood, la différence est déjà palpable : « Nous savons désormais distinguer commerce et entrepreneuriat, mutualiser nos forces et parler aux investisseurs avec des chiffres solides ».
Les réussites individuelles nourrissent également une dynamique symbolique : voir une femme diriger une start-up agroalimentaire ou une plateforme numérique inspire d’autres, créant un effet de cascade essentiel à l’égalité des chances.
Perspectives pour les prochaines cohortes
Après Brazzaville, Pointe-Noire a lancé sa formation pilote et Oyo débutera le 18 août, avant Dolisie et Ouesso.
L’ambition affichée est de toucher mille femmes, deux cents par ville, un seuil jugé critique par les experts pour atteindre une masse critique d’entrepreneures capables d’infléchir les indicateurs macro-économiques régionaux.
Pour soutenir cet objectif, la CNFCEEC envisage de constituer un fonds rotatif alimenté par les remboursements des bénéficiaires, les dons privés et l’épargne collective portée par les coopératives féminines.
Si les projections se confirment, Genius pourrait devenir une étude de cas pour les organisations régionales cherchant à conjuguer autonomisation économique, innovation sociale et croissance inclusive dans un contexte africain en mutation rapide.
Défis et résilience des fondatrices
Malgré les avancées, les statistiques nationales rappellent que moins de 20 pour cent des entreprises formelles sont dirigées par des femmes, un écart souvent attribué aux normes sociales, au manque de garanties patrimoniales et à la répartition inégale des tâches domestiques.
Pour contourner ces obstacles, les formatrices ont intégré des modules sur la négociation familiale, l’utilisation des technologies mobiles pour gagner du temps et la constitution de groupes de soutien capables de partager gardes d’enfants, réseaux et carnets d’adresses.
La sociologue Marie-Josée Issambet affirme que « l’entrepreneuriat féminin ne peut être durable que s’il transforme les rapports de genre, notamment en valorisant le leadership collaboratif plutôt que hiérarchique », un principe que le programme cherche à institutionnaliser.
Plusieurs incubées témoignent déjà d’une évolution : réunions familiales planifiées, partenaires désormais signataires des statuts, création de comptes d’exploitation séparés, autant de micro-changements qui, mis bout à bout, redessinent les équilibres au sein des ménages.
Ces dynamiques, si elles se consolident, pourraient servir de catalyseur à d’autres politiques publiques en faveur des droits économiques des femmes, en complément des dispositifs de protection contre les violences sexistes et sexuelles déjà portés par la société civile.
Vers un réseau panafricain
La CNFCEEC discute avec des organisations sœurs du Cameroun et du Gabon pour créer une plateforme régionale d’échanges, ouvrant la voie à des co-investissements transfrontaliers et à la standardisation des formations.











