Une dynamique entrepreneuriale féminine en plein essor
Dans le département de la Cuvette, la scène économique locale connaît une inflexion remarquable : plus de deux cents femmes venues de neuf districts et de la commune de Mossaka s’engagent dans un parcours d’incubation baptisé Genius, pensé pour consolider leurs projets et stimuler la création d’emplois durables.
Le lancement du dispositif à Oyo intervient après les premières promotions de Brazzaville puis de Pointe-Noire, illustrant une stratégie d’essaimage progressive qui épouse la géographie économique congolaise sans la concentrer uniquement dans les grands centres urbains.
Cette approche décentralisée renforce la résilience des communautés rurales, tout en offrant aux femmes un cadre sécurisé pour confronter leurs idées, partager leurs expériences et bâtir un réseau de solidarité indispensable au succès entrepreneurial, selon plusieurs observatrices locales.
Oyo, nouveau hub de l’incubation Genius
Choisie pour son positionnement stratégique sur les rives de l’Alima, Oyo présente un tissu économique marqué par l’agriculture vivrière, le commerce transfrontalier et les services numériques émergents ; trois secteurs identifiés par Genius comme leviers de croissance inclusive.
La cérémonie d’ouverture a rassemblé autorités départementales, équipes municipales et représentantes d’organisations internationales autour d’une même conviction : l’entrepreneuriat féminin constitue un vecteur crédible de diversification économique et de cohésion sociale.
Le maire, Gaston Yoka, a salué « l’énergie et la détermination » des participantes, tandis que la cheffe du bureau local du Programme des Nations unies pour le développement, Adama Dian-Barry, a rappelé l’utilité d’aligner ces initiatives avec les priorités nationales de planification.
Un programme axé sur la finance et la gestion
Durant trois mois, les apprenantes suivront des modules de renforcement en inclusion financière, levée de fonds, élaboration de plans d’affaires, tenue de comptabilité simplifiée et stratégies marketing adaptées aux marchés locaux et numériques.
Les formatrices insisteront sur la formalisation administrative, condition essentielle pour accéder aux financements bancaires ou aux mécanismes innovants, comme les plateformes de prêts participatifs que plusieurs banques congolaises commencent à tester.
« Nous voulons démystifier la relation entre entrepreneure et institution financière », explique Flavie Lombo, présidente de la Chambre nationale des femmes cheffes d’entreprises, soulignant qu’une meilleure maîtrise des indicateurs de rentabilité augmente la crédibilité des projets présentés.
Des partenaires publics et privés mobilisés
Le secteur privé s’implique également : MTN Congo, via son service Mobile Money, fournit des terminaux et des formations à la gestion des paiements digitaux, illustrant la convergence entre télécommunications et inclusion financière dans la sous-région.
D’autres partenariats sont en discussion avec des coopératives d’épargne, afin de créer des lignes de crédit spécifiquement calibrées pour les productrices de manioc, les transformatrices d’huile de palme ou les commerçantes de détail.
Cette synergie multipartite répond à l’Objectif de développement durable numéro cinq, consacré à l’égalité des sexes, tout en épousant les orientations contenues dans le Plan national de développement 2022-2026, qui mise sur la valorisation des chaînes agricoles.
Autonomisation économique et impact social
Au-delà des compétences techniques, les organisatrices insistent sur la dimension psychosociale : la confiance en soi, la gestion du stress et la négociation constituent des ressorts décisifs pour des femmes souvent confrontées à des normes culturelles restrictives et à une double charge domestique.
Des témoignages recueillis lors des premières sessions indiquent que la stratégie de mentorat, associant anciennes et nouvelles bénéficiaires, crée un climat d’entraide qui réduit l’isolement et facilite l’expérimentation d’outils digitaux parfois perçus comme intimidants.
Selon les données internes de la Chambre, quatre-vingts pour cent des participantes de la cohorte pilote ont maintenu leur activité au-delà de douze mois, un taux supérieur à la moyenne nationale des microentreprises, confirmant l’effet protecteur de l’accompagnement.
Projections et défis à l’horizon 2025
D’ici 2025, le programme ambitionne de former mille femmes supplémentaires dans les départements de la Cuvette-Ouest et des Plateaux ; un déploiement qui pourrait générer, selon les projections du PNUD, plus de cinq mille emplois directs et consolider la sécurité alimentaire locale.
Les analystes soulignent toutefois que la durabilité passera par la consolidation d’un écosystème d’affaires permettant aux lauréates d’accéder rapidement à des marchés publics, à des commandes privées et à des infrastructures logistiques adaptées aux zones enclavées.
Pour l’heure, les bénéficiaires d’Oyo se disent confiantes ; leurs récits, portés par un enthousiasme palpable, témoignent d’une volonté commune de transformer la créativité locale en valeur ajoutée, au bénéfice des communautés et en résonance avec les ambitions nationales de développement inclusif.
Regards d’expertes
La sociologue Pauline Mboumba rappelle que la réussite économique des femmes agit comme un multiplicateur de bien-être : « Une augmentation de leurs revenus se traduit souvent par de meilleurs investissements dans la santé et l’éducation des enfants, avec des effets mesurables sur le capital humain régional ».
De son côté, l’économiste Armand Okombi invite à renforcer les études d’impact pour quantifier l’apport du programme en termes de création de valeur, plaidant pour un suivi longitudinal capable d’éclairer les décideurs sur l’efficacité des incitations fiscales ou des garanties de prêt.
Les prochains mois donneront l’occasion d’évaluer, terrain à l’appui, la capacité de Genius à tenir ses promesses.
