Une ambition publique au cœur du dispositif 2030
À l’heure où de nombreux États africains cherchent des relais de croissance hors rente extractive, la République du Congo érige l’innovation en priorité nationale. Le lancement, à Brazzaville, du programme « Congo créatif 2030 » traduit cette volonté politique, déjà énoncée dans la Stratégie nationale de développement 2022-2026 et confortée par la feuille de route présidentielle. L’accord signé par le gouvernement et le Programme des Nations unies pour le développement consolide un partenariat de long terme, inscrit dans l’Agenda 2030 des Objectifs de développement durable.
Un partenariat stratégique sous le signe de la jeunesse
Madame Adama-Dian Barry, représentante résidente du Pnud, a souligné que l’innovation n’a de sens que si elle permet « aux générations futures de bâtir un avenir meilleur ». Derrière cette formule, se dessine une conviction : la créativité congolaise – particulièrement celle des moins de trente ans, majoritaires dans la démographie nationale – constitue un capital immatériel encore sous-exploité. Le programme entend financer des laboratoires d’idées, des dispositifs de pré-incubation et des formations à l’entrepreneuriat technologique afin de convertir l’effervescence des quartiers de Brazzaville, Pointe-Noire ou Ouesso en entreprises créatrices d’emplois qualifiés.
UniPod : vers un Centre national de l’innovation
Pièce maîtresse de l’architecture institutionnelle, le Centre national de l’innovation – ou UniPod – doit devenir un guichet unique pour les porteurs de projets, mais aussi un acteur de diplomatie scientifique. Situé au carrefour de la recherche universitaire, de l’industrie et des bailleurs internationaux, l’UniPod hébergera des FabLab, des espaces de prototypage rapide et un observatoire chargé de mesurer l’impact social et économique des projets soutenus. L’objectif est de réduire le temps qui sépare l’idée de son industrialisation, un enjeu crucial dans un contexte de concurrence régionale exacerbée autour des marchés numériques et des énergies propres.
Le réseau AccLab, catalyseur d’écosystèmes africains
Depuis 2019, le Pnud déploie dans quatre-vingt-dix pays son réseau de laboratoires d’accélération, les AccLab. Au Congo, cette initiative a déjà cartographié plus de deux-cent-cinquante solutions locales, de la transformation agro-alimentaire à faible empreinte carbone jusqu’aux applications mobiles de e-santé. Cette base de données constitue une mine d’informations pour les décideurs publics qui souhaitent adosser leurs politiques à des preuves empiriques. Elle offre également une visibilité internationale à des projets parfois confinés au milieu associatif. Selon les analystes du Pnud, chaque franc-CFA investi dans l’innovation sociale génère un rendement socio-économique pouvant atteindre six francs, chiffre qui plaide pour une montée en puissance budgétaire.
Diversifier l’économie et renforcer la résilience
Le ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation technologique, Rigobert Maboundou, rappelle que l’économie congolaise demeure tributaire des cours du pétrole. L’enjeu est donc double : créer de nouvelles chaînes de valeur et construire une résilience face aux chocs exogènes, qu’ils soient climatiques ou géopolitiques. À cet égard, la Politique nationale de l’innovation s’inscrit dans un faisceau de réformes touchant l’éducation, la propriété intellectuelle et l’accès au financement. Les autorités affichent l’ambition de faire passer la part des secteurs non-extractifs de 40 % à 60 % du PIB à l’horizon 2035, un changement de paradigme qui suppose un renforcement de la gouvernance et de la coordination inter-ministérielle.
Une gouvernance inclusive au service de la compétitivité
Le succès du programme repose sur l’implication des universités, du secteur privé, des collectivités et de la société civile. Les lignes directrices validées en novembre 2022 prévoient la mise en place de comités régionaux d’innovation afin de décentraliser la gouvernance. Cette territorialisation doit éviter que les ressources se concentrent uniquement dans la capitale. Plusieurs partenaires techniques et financiers, dont l’Organisation internationale de la Francophonie et la Banque africaine de développement, ont déjà manifesté leur intérêt pour rejoindre le tour de table. Les organisations patronales y voient l’occasion d’améliorer le climat des affaires et de stimuler l’investissement dans la recherche-développement.
Perspectives régionales et diplomatie économique
Au-delà de ses frontières, le Congo ambitionne de devenir un hub d’innovation en Afrique centrale. La Zone de libre-échange continentale africaine rend cette perspective tangible : un prototype conçu à Brazzaville pourrait être industrialisé à Kinshasa et commercialisé à Nairobi sans droits de douane. Cette dynamique confère au programme une dimension diplomatique, les innovations devenant autant de vecteurs d’influence soft power. Pour le Pnud, soutenir cette orientation revient à démontrer que la coopération multilatérale demeure un instrument pertinent de développement partagé.
Cap sur 2030, avec l’appui du multilatéralisme
À l’issue de la cérémonie de signature, un consensus se dégage : le temps presse, mais le cap est clair. Les experts estiment que, si les engagements financiers sont tenus et si les dispositifs règlementaires évoluent au rythme promis, « Congo créatif 2030 » pourrait générer plus de 50 000 emplois directs et indirects dans les technologies, l’agro-industrie et les industries culturelles. Cette projection illustre la pertinence d’une approche transversale mobilisant à la fois la puissance publique et l’expertise onusienne. Elle témoigne également de la volonté de Brazzaville d’occuper une place visible dans l’économie de la connaissance, tout en respectant ses engagements internationaux en matière de développement durable.