Enjeu sanitaire du sport de maintien
L’Organisation mondiale de la santé rappelle que cent cinquante minutes d’activité physique modérée par semaine suffisent à réduire d’un tiers le risque de maladies non transmissibles. Dans une Afrique centrale où les indicateurs démographiques se dynamisent, la consolidation du capital santé passe donc par une diffusion raisonnée du sport de maintien, parfois appelé sport santé. L’enjeu n’est pas seulement musculaire ; il est cardiovasculaire, métabolique et psychologique. Le Congo-Brazzaville, engagé dans le Programme national de développement sanitaire, a inscrit cette dimension dans ses priorités, misant sur la prévention plutôt que sur la seule réponse curative.
État des pratiques physiques à Brazzaville
Au lever du soleil, les quais du fleuve et les artères ombragées de Poto-Poto s’animent de coureurs, de rassemblements de ndzango et de clubs de football vétéran. Cette effervescence témoigne d’un changement sociétal : la sédentarité, hier tolérée, est désormais perçue comme un facteur de vulnérabilité. Les enquêtes menées par la Direction générale des sports indiquent qu’un adulte urbain sur quatre déclare pratiquer au moins une activité physique régulière. L’offre privée s’est adaptée ; salles de remise en forme, coachs indépendants et événements hebdomadaires structurent un véritable marché de la santé active. Toutefois, la croissance rapide de cette pratique entraîne un risque bien identifié : l’absence de cadre normatif suffisant pour encadrer des comportements périphériques pouvant annihiler les gains attendus.
Alcoolisation post-exercice, un paradoxe préoccupant
Dans l’imaginaire collectif, le sport évoque l’endurance, la dépense énergétique et la sobriété. Pourtant, l’observation de terrains de football de quartier ou des espaces verts de Bacongo révèle une réalité contrastée. Après l’effort, s’organise la troisième mi-temps où la bière, parfois la liqueur artisanale, devient vecteur de convivialité. Selon une étude pilote de l’Université Marien-Ngouabi, près de soixante pour cent des pratiquants réguliers déclarent consommer de l’alcool dans l’heure suivant leur séance. Ce comportement, issu d’une appropriation sociale du geste sportif, prolonge l’entre-soi mais expose à des effets métaboliques adverses : élévation de la tension artérielle, ralentissement de la récupération, perturbation du métabolisme glucidique, autant de mécanismes qui, cumulatifs, accroissent la susceptibilité aux accidents vasculaires.
Responsabilité collective et réponses institutionnelles
Conscient de la dérive, le ministère des Sports, en coordination avec celui de la Santé et de la Population, a lancé en 2023 la campagne « Bouger sans excès ». Elle associe messages radios, affichage urbain et ateliers de sensibilisation encadrés par des kinésithérapeutes. Les comités départementaux de football vétéran ont, de leur côté, signé une charte limitant la distribution d’alcool lors des rencontres amicales. Si l’initiative reste perfectible, elle atteste d’une volonté politique d’harmoniser culture récréative et impératifs sanitaires. Les autorités locales, soutenues par l’OMS, testent également des prescriptions d’activité physique délivrées en structures de soins primaires, inspirées du modèle “sport sur ordonnance” expérimenté en Europe.
Vers une culture sportive synonyme de longévité
Le sport de maintien n’est pas une fin en soi ; il devient efficace lorsqu’il s’insère dans un mode de vie globalement équilibré. L’enjeu est de concilier la quête identitaire portée par les regroupements sportifs et la stricte observance de recommandations médicales. Cela suppose de renforcer la formation des encadrants, de promouvoir les boissons non alcoolisées locales – jus de baobab ou de bissap – et de tisser des partenariats avec le secteur privé pour aménager des espaces sans publicité pour l’alcool. En articulant responsabilité individuelle, régulation publique et innovation sociale, Brazzaville peut transformer son engouement actuel en un véritable acquis de santé démographique et économique. Ainsi, courir, marcher ou taper dans un ballon demeurera un acte de projection vers l’avenir, non un prélude paradoxal à la morbidité.