Publié par 10h17 Actualités

Mossendjo : secret d’une nuit sûre pour les femmes

Mossendjo, un laboratoire de sécurité urbaine

Des rues ombragées bordées de palmiers, des commerçantes qui ferment leurs étals sans se presser, des adolescents discutant sur les places jusqu’aux premières lueurs : à Mossendjo, la nuit ne fait plus peur, surtout aux femmes qui l’arpentent au quotidien.

La sous-préfecture du Niari affiche depuis plusieurs années un indice de criminalité historiquement bas, contrastant avec la perception d’insécurité nourrie par les faits divers dans les grandes villes. Cette singularité intrigue les sociologues et suscite l’intérêt des mouvements de défense des droits des femmes.

Selon le commissariat central, aucun homicide ni agression armée n’a été enregistré en 2024. Les rares infractions signalées relèvent surtout de querelles familiales ou de petits larcins. Les habitantes interrogées évoquent « une vigilance collective » et « une police accessible » comme ressorts de cette sécurité.

Expérience féminine de l’espace public

Marcher seule après 22 heures reste un luxe rare pour beaucoup de Congolaises. À Mossendjo, cette pratique devient presque ordinaire. « Je ferme mon salon vers minuit, je traverse le centre sans inquiétude », témoigne Clarisse Pouyou, coiffeuse installée sur l’avenue Ngoma.

Pour les organisations locales de défense des femmes, cette situation favorise la mobilité économique. Les vendeuses peuvent écouler leurs produits jusque tard, les étudiantes accéder à la bibliothèque municipale ouverte en soirée. Le sentiment de sécurité élargit le champ des possibles et réduit les restrictions auto-imposées.

Le chercheur en sociologie urbaine Armel Ntsiba rappelle toutefois que l’absence de crimes majeurs ne signifie pas disparition de toutes les violences. « Les violences domestiques, souvent invisibles dans les statistiques, demeurent », prévient-il, plaidant pour un renforcement des dispositifs d’écoute et d’orientation des victimes.

L’association féminine Mwana-Mbote a donc créé un numéro vert volontairement distinct des lignes de police. En six mois, huit signalements de harcèlement domestique ont conduit à une médiation ou, lorsque nécessaire, à l’intervention des autorités. La sécurité publique complète ainsi la sécurité intime, encore fragile.

Le rôle discret mais décisif de la police

Le commissaire principal, capitaine Sébastien Mabiala, dirige une équipe d’à peine douze agents. « Notre force, c’est la présence continue », explique-t-il. Les patrouilles pédestres remplacent les rondes motorisées coûteuses et créent un contact quasi quotidien avec les vendeurs, les chauffeurs et les élèves.

Ce dispositif de police de proximité, expérimenté depuis 2021, se fonde sur une cartographie participative des points sensibles. Chaque mois, les responsables de quartier signalent l’apparition d’éclairage défaillant, de buissons occultants ou de maisons désaffectées. La rapidité de traitement réduit les niches propices aux agressions opportunistes.

À défaut de véhicules neufs, les agents utilisent des motos récupérées auprès des Eaux et Forêts et remises en état par un garage local. Le partenariat public-privé limite les charges de carburant et conforte l’idée, largement partagée, qu’une sécurité efficiente ne dépend pas seulement du budget.

Le chef d’état-major des Forces armées congolaises a salué en février la démarche, la qualifiant de « modèle duplicable ». Une délégation de la police de Pointe-Noire a déjà observé le dispositif afin d’adapter les bonnes pratiques aux quartiers densément peuplés de Tié-Tié et Mbota.

Facteurs socioéconomiques et cohésion communautaire

À Mossendjo, l’économie reste dominée par l’agriculture de rente et l’orpaillage artisanal. Bien que la précarité touche les jeunes, ces activités créent une sociabilité de groupe qui limite l’oisiveté urbaine, souvent corrélée à la petite délinquance. Les marchés hebdomadaires agissent comme lieux de contrôle social informel.

La cheffe du groupement des maraîchères, Madame Mavouenzila, souligne que le respect des horaires de paiement et la transparence dans la pesée des légumes diminuent les disputes marchandes. « Moins de conflits commerciaux, c’est moins d’agressions », résume-t-elle, insistant sur la gouvernance économique de proximité.

L’Église, les associations sportives et les comités de secteur organisent régulièrement des soirées récréatives qui mobilisent les adolescents. Les autorités civiles y voient une prévention indirecte de la violence masculine. La chorale féminine Nzila ya Bomoyi en a profité pour diffuser des messages contre les violences conjugales.

Perspectives nationales pour 2025

Lors du réveillon d’armes du 31 décembre, le président Denis Sassou N’Guesso a appelé la force publique à « l’éradication complète du grand banditisme » en 2025. Mossendjo offre un terrain d’observation privilégié pour cette ambition nationale, sans nécessiter des déploiements spectaculaires.

Les experts interrogés estiment que la reproduction du modèle exige une adaptation fine aux réalités locales : densité démographique, disponibilité d’associations, infrastructures de base. L’éclairage public, point crucial, constitue le levier le plus rapide à généraliser, avant même les effectifs supplémentaires parfois demandés.

Pour les femmes du Niari, l’enjeu dépasse la statistique policière. Il s’agit de pouvoir circuler, apprendre et travailler sans peur. Si la recette de Mossendjo s’exporte, elle contribuera à une citoyenneté féminine pleine, gage d’un développement harmonieux pour l’ensemble du Congo.

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Étiquettes : , , , , Last modified: 5 septembre 2025
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