Moussoki : Dieu, mariage et douanes en trois livres

Une rencontre littéraire à Pointe-Noire

Le 19 juillet, le musée Cercle africain de Pointe-Noire a résonné d’un bouillonnement intellectuel rarement observé en plein cœur de la saison sèche. À l’initiative du Café Prud’homme, un séminaire littéraire a réuni diplomates en poste, universitaires, étudiants et simples passionnés autour des trois ouvrages récemment publiés par Bernard Moussoki aux Éditions Vérone. La manifestation s’inscrit dans la lignée des efforts menés par les institutions culturelles congolaises pour promouvoir la lecture, un domaine auquel les autorités accordent une attention croissante.

Tour à tour, les critiques Arnaud Mitamona, Olive Makosso, Clalixte Mikala Moutsinga et Yvon Wilfrid Lewa-Let Mandah ont disséqué le corpus en présence de l’auteur. L’atmosphère, studieuse mais chaleureuse, témoigne d’une maturation du champ littéraire local, capable de porter un débat exigeant sans verser dans l’élitisme stérile. « Nous voulons montrer que Pointe-Noire n’est pas seulement un port pétrolier ; c’est aussi un port d’idées », a sobrement résumé l’un des organisateurs.

Trois volumes, une même quête spirituelle

Intitulés « Dieu nous parle » tomes 1 et 2, ainsi que « Le devoir de s’asseoir – Construire l’unité du couple », ces ouvrages se répondent en tissant un fil conducteur limpide : replacer l’humain au plus près d’une parole divine conçue comme matrice de cohésion sociale. Le premier volume constitue, selon l’auteur, une invitation à pénétrer le mystère trinitaire. « Il ne s’agit pas d’un traité dogmatique, mais d’un compagnonnage avec les figures du Père, du Fils et de l’Esprit », a-t-il précisé face au public, revendiquant un style accessible sans renoncer à la rigueur théologique.

Le deuxième tome prolonge l’intention en proposant une lecture méthodique des 150 psaumes. L’entreprise relève autant de l’exégèse que de la pédagogie : chaque cantique est replacé dans son contexte historique, puis traduit en enjeux contemporains. Pour la critique Olive Makosso, « l’effort d’actualisation fait écho aux attentes d’une jeunesse assoiffée de repères transcendant les clivages d’hier ».

Décrypter les psaumes pour éclairer le quotidien

Passant du commentaire global à l’attention micro-textuelle, Bernard Moussoki propose une grammaire de la confiance et de la gratitude. Ce travail de décryptage se présente comme un antidote à la tentation du désespoir, souvent évoquée lorsque surgissent les incertitudes économiques mondiales. Yvon Wilfrid Lewa-Let Mandah a salué « la capacité de l’auteur à faire dialoguer l’Antiquité sémitique avec les aspirations d’une société congolaise en pleine mutation ».

Dans un pays où l’expression religieuse irrigue la vie quotidienne, l’angle adopté par l’ancien douanier trouve un écho particulier. Plusieurs participants ont souligné que l’initiative de replacer les psaumes au centre de la conversation publique rejoint les objectifs de cohésion nationale promus par les pouvoirs publics, soucieux de valoriser toutes les composantes du patrimoine immatériel.

Le mariage comme reflet de la Trinité

Le troisième ouvrage, « Le devoir de s’asseoir », déplace le regard vers la sphère conjugale. Ici, la démarche se veut résolument pragmatique : offrir des clefs de lecture biblique susceptibles d’apaiser les tensions intrafamiliales. Conseiller conjugal depuis plusieurs décennies, l’auteur n’hésite pas à associer dialogue conjugal et harmonie sexuelle, considérant ces deux pôles comme les jambes d’un même corps symbolique.

Clalixte Mikala Moutsinga a noté la dimension presque anthropologique de cette approche : « En assimilant l’unité des époux à l’unité trinitaire, Moussoki réintroduit la transcendance au cœur d’une institution que l’on croit parfois strictement contractuelle. » Dans un environnement urbain où les chiffres du divorce progressent, la proposition n’a rien d’anodin. Elle s’inscrit, de surcroît, dans les politiques de soutien à la cellule familiale encouragées par les autorités congolaises.

Le parcours d’un douanier devenu écrivain

Né en 1953, formé d’abord à l’économie, Bernard Moussoki intègre ensuite l’École normale d’administration et de magistrature de Brazzaville avant de servir l’État comme inspecteur des douanes. Cette trajectoire, ponctuée de responsabilités stratégiques, confère à son écriture un regard de praticien sur la gouvernance et la circulation des valeurs. Entre 1966 et 2019, son engagement ecclésial, couronné par la fonction de modérateur du Conseil pastoral à la paroisse Sainte-Face de Jésus de Pointe-Noire, a nourri sa réflexion au contact direct des fidèles.

Sa double expérience de haut fonctionnaire et de guide spirituel le distingue dans le paysage littéraire national, encore dominé par des universitaires et des romanciers. « Je rends ce que j’ai reçu », confie-t-il, rappelant que l’élargissement de l’espace public congolais à des voix issues de l’administration participe de l’enrichissement de la démocratie culturelle encouragée par le gouvernement.

Perspectives pour la scène éditoriale congolaise

Au-delà de l’instant, le séminaire éclaire les perspectives d’un secteur du livre en plein renouveau. Les récentes mesures facilitant l’obtention du dépôt légal et la multiplication des salons régionaux créent un climat propice à l’émergence de nouveaux auteurs. « Le pays dispose des ressources humaines et logistiques pour devenir un hub littéraire en Afrique centrale », a estimé Arnaud Mitamona, invitant les partenaires publics et privés à consolider cette dynamique.

Dans cette perspective, le travail de Bernard Moussoki illustre la porosité croissante entre expertise professionnelle, engagement spirituel et production littéraire. Son regard réconciliateur offre un cadre interprétatif qui répond aux attentes d’un lectorat composite, de plus en plus sensible à la valeur ajoutée sociale des textes. À l’heure où Pointe-Noire modernise ses infrastructures culturelles, la publication de ces trois livres résonne comme un pas supplémentaire vers une diplomatie du livre, vecteur de rayonnement et de solidarité.