Publié par 12h57 Actualités

Papillomavirus : le Congo prépare son bouclier

Horizon sanitaire du Congo

Depuis une décennie, la politique vaccinale congolaise avance à pas mesurés, conjuguant exigences internationales et réalités budgétaires nationales. L’annonce de l’introduction prochaine du vaccin contre le papillomavirus humain (VPH) en est la preuve la plus tangible.

Avec l’appui constant de l’Organisation mondiale de la santé, Brazzaville poursuit une stratégie de renforcement institutionnel où chaque nouvelle instance vise à consolider la confiance du public et à garantir la solidité scientifique des décisions sanitaires.

Le GTCV, nouvel aiguillon scientifique

Installé le 31 juillet 2025, le Groupe technique consultatif national pour la vaccination (GTCV) représente un pivot inédit dans l’architecture sanitaire. Sa mission principale consiste à fournir aux autorités des recommandations éclairées, fondées sur des données probantes et dégagées de toute pression commerciale.

Selon le professeur Donatien Moukassa, directeur de cabinet au ministère de la Santé, « la création et la formation du GTCV traduisent la volonté de gouverner la vaccination avec la même rigueur qu’une recherche clinique ».

Le secrétariat du comité, assuré par des épidémiologistes formés à Brazzaville et à Dakar, garantit la continuité des travaux et documente chaque recommandation, conférant au processus une traçabilité appréciée par les bailleurs et par l’opinion.

Capaciter les experts congolais

Du 26 au 30 août 2025, un atelier intensif s’est tenu au Grand Hôtel de Kintélé. Animé par des spécialistes de l’OMS, il a permis de revisiter les fondements méthodologiques nécessaires à l’élaboration d’avis indépendants et à l’évaluation des preuves scientifiques.

Les sessions interactives ont couvert la hiérarchisation des études, la lecture critique d’articles et la quantification des bénéfices attendus. Les participants ont également simulé la présentation d’un avis au ministre, en intégrant contraintes budgétaires et impératifs d’équité.

À l’issue de la formation, un dossier technique complet sur l’introduction du vaccin anti-VPH a été examiné en séance officielle. L’exercice a montré la capacité du GTCV à produire, en temps limité, une recommandation contextualisée et assortie d’indicateurs mesurables.

Le papillomavirus, menace évitable

Le cancer du col de l’utérus figure encore parmi les principales causes de mortalité féminine au Congo. Les souches oncogènes du VPH seraient impliquées dans 3,5 à 7 % des cas enregistrés, selon le ministère de la Santé.

Le vaccin ciblant ces souches est utilisé depuis plus de quinze ans dans plusieurs régions du monde, avec une réduction significative des lésions précancéreuses observée en Australie, au Rwanda ou encore en Suède, d’après les bilans compilés par l’OMS.

Pour le Dr Vincent Dossou Sodjinou, représentant de l’OMS à Brazzaville, « ce vaccin constitue une arme de prévention d’une rare efficacité, complémentaire du dépistage et de la prise en charge clinique ».

Son objectif régional reste ambitieux : vacciner neuf filles sur dix avant 15 ans, dépister sept femmes sur dix au moins deux fois dans leur vie et offrir un traitement à 90 % des patientes diagnostiquées.

Au plan économique, le traitement du cancer du col de l’utérus représente un coût moyen de plusieurs millions de francs CFA par patiente, selon une étude universitaire publiée en 2024. Prévenir l’infection revient donc aussi à soulager le budget des ménages.

Justice sanitaire et autonomisation des femmes

L’introduction du vaccin anti-VPH s’inscrit dans une logique d’équité. Les populations les plus défavorisées, souvent éloignées des structures de dépistage, seraient les premières bénéficiaires d’une politique vaccinale gratuite et intégrée au Programme élargi de vaccination (PEV).

Pour de nombreuses associations féminines, cet élargissement de la couverture vaccinale complète les campagnes de sensibilisation sur les droits sexuels et reproductifs. Il matérialise une protection proactive, plutôt qu’une réaction tardive aux diagnostics avancés.

La perspective de réduire les inégalités de genre a d’ailleurs pesé dans l’avis du GTCV, qui a explicitement reconnu la dimension sociologique d’une prévention centrée sur la santé des jeunes filles et, par ricochet, sur la stabilité des familles.

À court terme, les partenaires de développement devront veiller à ce que l’offre vaccinale atteigne également les zones rurales, où le coût des transports et le manque d’information freinent traditionnellement l’accès aux soins préventifs.

Vers un déploiement sécurisé du vaccin

Après validation ministérielle, le calendrier prévoit une introduction progressive dans les districts pilotes, avant une extension nationale. Cette phase permettra de tester les circuits logistiques à froid, essentiels pour la stabilité du vaccin et la confiance communautaire.

Le ministère réfléchit déjà aux messages adaptés : associer protection contre le cancer et promotion d’un avenir serein pour les adolescentes. Des leaders d’opinion locaux seront mobilisés afin de dissiper les rumeurs et de stimuler l’adhésion.

En dotant le GTCV de moyens pérennes et en alignant la stratégie vaccinale sur les engagements mondiaux, le Congo confirme sa détermination à répondre aux enjeux sanitaires contemporains, sans renoncer à la souveraineté de ses choix.

Un système de surveillance post-introduction, associé à des enquêtes de couverture, suivra en temps réel les effets indésirables et l’adhésion des ménages. Les données collectées orienteront les ajustements successifs, garantissant une montée en puissance sans rupture d’approvisionnement.

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Étiquettes : , , , , Last modified: 2 septembre 2025
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