Un partenariat stratégique au long cours
Sous les lustres feutrés de l’hôtel Hilton, le 15 juillet 2025, ministres congolais et cadres de la Banque mondiale ont officiellement lancé le Pasel, scellant une coopération financière de 100 millions de dollars. Dans son allocution, le ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, Émile Ouosso, a salué « un signal clair de confiance envers la stratégie énergétique nationale », tandis que Jie Tang, directeur sectoriel pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, insistait sur le caractère structurant d’un projet qui mobilise près de 11 % du portefeuille actif de l’institution à Brazzaville.
Négocié en moins d’un an, validé par le Parlement puis mis en vigueur le 13 mars 2025, le Pasel démontre la célérité avec laquelle le gouvernement congolais entend répondre aux attentes des usagers urbains dont la croissance démographique exerce une pression constante sur les infrastructures. Le montage financier, combinant prêt concessional et assistance technique, illustre la volonté d’allier discipline budgétaire et accompagnement international.
Des enjeux structurels hérités du passé
À Brazzaville comme à Pointe-Noire, la morphologie des réseaux, souvent héritée des décennies d’expansion urbaine non planifiée, se caractérise par des sous-stations vieillissantes, des câbles mis à rude épreuve par l’humidité équatoriale et des branchements informels compromettant la santé financière de la société nationale Énergie électrique du Congo. Dans ce contexte, les baisses de tension ou délestages ponctuent encore le quotidien des ménages, affectant également les chaînes de valeur industrielles et les services de santé.
Le Pasel intervient donc comme levier de résorption d’un déficit infrastructurel dont les répercussions socio-économiques sont désormais mesurées avec précision par les organismes internationaux. Selon les estimations de la Banque mondiale, les pertes techniques et commerciales représentent jusqu’à un quart de l’énergie injectée, soit un manque à gagner substantiel pour l’État et pour les investisseurs potentiels.
Composition technique d’un projet catalyseur
La composante consacrée à la fiabilité engage la modernisation de la dorsale 220 kV reliant Pointe-Noire à Brazzaville, véritable colonne vertébrale électrique du pays. La réhabilitation du poste THT de Djiri et l’acquisition de six transformateurs haute tension constituent le socle matériel d’une ambition plus vaste : stabiliser la fréquence et réduire les coupures imprévues, préalable à toute industrialisation soutenue.
Dans le même temps, la deuxième composante s’adresse aux usages de proximité. Elle prévoit le remplacement de quelque 10 000 luminaires obsolètes par des LED à haut rendement, l’introduction de compteurs intelligents et la refonte complète de segments urbains où les chutes de tension frôlent encore 15 %. Enfin, une enveloppe d’assistance technique accompagne la numérisation de la facturation et la formation continue des équipes d’E²c, afin de consolider les gains opérationnels au-delà de l’horizon 2028.
Conséquences socio-économiques attendues
D’ici quatre ans, les projections font état de 1,75 million de bénéficiaires directs, soit près d’un habitant sur trois dans les deux principales agglomérations. Une alimentation plus stable devrait améliorer la compétitivité des petites entreprises, réduire le coût des groupes électrogènes et favoriser l’émergence d’activités nocturnes créatrices d’emplois, notamment dans la transformation agro-alimentaire et les services numériques.
Sur le plan macro-économique, la diminution des interruptions de service est susceptible d’accroître de 0,4 point le produit intérieur brut, d’après les simulations du ministère de l’Économie. À l’échelle micro, la substitution des ampoules au sodium par des LED pourrait générer jusqu’à 50 % d’économie d’énergie pour les municipalités, libérant des marges budgétaires pour d’autres investissements sociaux.
Une gouvernance énergétique à l’épreuve de la modernisation
Au-delà des infrastructures, le Pasel ambitionne de consolider la gouvernance sectorielle. L’introduction d’indicateurs de performance, la traçabilité numérique des flux électriques et la révision du cadre tarifaire visent à réduire les écarts entre coût de production et recettes, condition sine qua non de l’équilibre financier d’E²c. Pour Jie Tang, « la durabilité du projet se jouera autant dans les postes de contrôle que dans les linéaires de câbles ».
Cette dimension institutionnelle s’articule avec les réformes en cours dans la fonction publique, où la digitalisation des procédures et la culture du résultat se diffusent progressivement. La signature d’un contrat-plan entre l’État et l’opérateur national, assorti d’objectifs quantifiés, constitue à cet égard une innovation managériale appelée à faire école dans d’autres segments d’infrastructures.
Perspectives régionales et mobilisation des acteurs
En inscrivant le Pasel dans la « Mission 300 » — initiative continentale visant à fournir de l’électricité à 300 millions d’Africains d’ici 2030 — le Congo se positionne comme pivot énergétique en Afrique centrale. La remise à niveau de la ligne 220 kV ouvre la voie à des interconnexions transfrontalières, susceptibles de stimuler le commerce régional d’électricité et de sécuriser l’approvisionnement des zones frontalières.
Les conclusions du forum Brazzaville Invest 2025 soulignent enfin l’attrait du pays pour les développeurs hydroélectriques privés, encouragés par un cadre institutionnel plus prévisible. Dans ce contexte, le Pasel apparaît comme une rampe de lancement vers un mix énergétique plus diversifié, mobilisant le potentiel fluvial et favorisant l’intégration sous-régionale sans compromettre les engagements climatiques de la République du Congo.