Une désignation stratégique au cœur de Brazzaville
Dans l’amphithéâtre feutré du Palais du parlement, le 7 juillet 2025, le président de l’Assemblée nationale Isidore Mvouba a orchestré une rencontre que d’aucuns qualifient de signal fort. En présentant Jean-Pierre Heyko Lékoba à la constellation d’élus, de notables et de cadres de la Majorité présidentielle, l’orateur a rappelé qu’« une élection ne se gagne jamais d’avance ». L’allusion, triviale en apparence, résonne pourtant comme un mot d’ordre méthodique : rien ne doit être laissé au hasard dans le Département du Pool, espace dont la mémoire collective garde trace des turbulences des années 1990 et 2016.
Le choix de M. Lékoba comme commissaire politique échoit au secrétaire général du Parti congolais du travail (PCT), avec le soutien explicite du chef de l’État Denis Sassou Nguesso. Dès sa première allocution, le nouveau titulaire du poste a sacrifié au rituel des remerciements, avant de dénoncer le « concert des râleurs incapables d’apercevoir les efforts d’Hercule consentis par le Président pour changer le visage du pays ». Au-delà de la formule, c’est la trame d’un récit qui se dessine : celui d’une gouvernance soucieuse de stabiliser une région stratégique, géographiquement limitrophe de la capitale, mais socialement encore fragile.
Le Pool, carrefour d’histoires contrastées
Traversé par la voie ferrée Congo-Océan et adossé aux contreforts du Mayombe, le Pool occupe une place singulière dans l’imaginaire national. Terre d’échanges, mais aussi zone tampon lors des crises politico-militaires, il conjugue densité démographique, mobilité économique et résilience paysanne. Pour les acteurs de la Majorité présidentielle, remporter l’adhésion populaire dans ce territoire représente plus qu’un objectif électoral : il s’agit de sceller, par les urnes, une réconciliation socio-symbolique amorcée depuis les cessez-le-feu successifs de 2017.
La sociologue Émilie Ngatsé, interrogée à Brazzaville, souligne que « la conquête politique du Pool nécessite une approche très fine, respectueuse des imaginaires locaux et des défis de reconstruction communautaire ». Le commissaire, conscient de cette réalité, a d’ailleurs martelé que « 2026 doit être la victoire de la continuité au service des Congolais », indiquant que l’engagement se joue autant sur la redistributivité des politiques publiques que sur l’affirmation d’un projet national unificateur.
Synergie partisane et ouverture à la société civile
La députée Marie-Jeanne Kouloumbou, présidente de la Fédération PCT du Pool, n’a pas manqué de rappeler que le parti au pouvoir « n’est jamais seul » et qu’il prospère en coalition avec des forces qu’elle qualifie de « vivier pluriel ». Cette posture inclusive traduit la volonté de transformer la Majorité présidentielle en plateforme transversale capable d’agréger les organisations de jeunesse, les collectivités religieuses et les réseaux d’entrepreneurs ruraux.
Dans cet esprit, la cérémonie officielle de réception prévue le 19 juillet à Kinkala s’annonce comme un moment de matérialisation de cette synergie. L’équipe de campagne entend y dévoiler un programme décliné autour de trois axes, à savoir l’amélioration de l’infrastructure routière locale, la valorisation des filières agricoles vivrières et le renforcement des dispositifs de santé primaire. Les financements, déjà évoqués au ministère de l’Économie, devraient provenir d’un mélange de lignes budgétaires nationales et de contributions multilatérales, gage de viabilité à moyen terme.
Gestion logistique et sécuritaire d’une campagne sensible
L’organisation d’une campagne présidentielle requiert une mécanique minutieuse, particulièrement dans un département à topographie accidentée. Les ingénieurs du Bureau national des études techniques planchent sur la réhabilitation de quelques tronçons secondaires pour fluidifier l’acheminement du matériel électoral. Du côté sécuritaire, le préfet du Pool rappelle que la Force publique travaille en étroite coordination avec les autorités coutumières afin d’instaurer un climat empreint de confiance, prémisse indispensable à un débat électoral apaisé.
Un diplomate africain accrédité à Brazzaville observe qu’« en misant sur la stabilité logistique, la Majorité présidentielle réduit d’emblée les marges d’incertitude et accroît la crédibilité du processus ». Cette approche pragmatique résonne avec les recommandations des missions d’observation internationales, qui insistent sur la maîtrise des opérations de terrain pour consolider la légitimité du scrutin.
Vers 2026 : construire une dynamique durable
À dix-huit mois de l’échéance, le défi pour Jean-Pierre Heyko Lékoba consiste à transformer une nomination protocolaire en véritable matrice de mobilisation citoyenne. L’intéressé table sur une méthode immersive, à base d’immersions hebdomadaires dans les districts, de forums communautaires et de concertations avec les autorités ecclésiastiques, fort influentes dans la région. Les premiers signaux semblent corroborer la pertinence de cette stratégie, plusieurs leaders locaux ayant déjà exprimé leur disponibilité à « travailler dans la bonne intelligence ».
Si les observateurs reconnaissent une configuration favorable à la Majorité présidentielle, personne, à commencer par Isidore Mvouba, n’ignore qu’une élection demeure, par essence, une procédure ouverte. C’est précisément dans cette humilité tactique que le commissaire politique cherche à inscrire son action : conjuguer la force d’un bilan national jugé robuste, notamment sur les indicateurs macroéconomiques, avec une écoute active des attentes micro-territoriales. À terme, l’objectif est de démontrer que le Pool, longtemps perçu comme périphérique, peut devenir le laboratoire d’un nouvel équilibre congolais, où la confiance institutionnelle s’imbrique dans la prospérité partagée.