La régulation, pivot d’un écosystème fragile
La nomination de Médard Milandou Nsonga à la tête du Conseil supérieur de la liberté de communication, annoncée le 18 août 2025, a été saluée par l’Union des professionnels de la presse du Congo. L’organisation voit dans ce choix l’occasion de consolider un dialogue jugé indispensable par la profession.
Pour l’U.p.p.c, le nouveau président est attendu sur la continuité de l’œuvre menée par son prédécesseur, Philippe Mvouo. La priorité affichée demeure la sauvegarde de la liberté d’informer tout en renforçant la qualité éditoriale, un équilibre particulièrement délicat dans un environnement médiatique en mutation.
La régulation ne se limite pas au contrôle des contenus. Elle doit, souligne le communiqué, offrir un cadre d’appui technique aux rédactions, encourager la formation continue et promouvoir les bonnes pratiques professionnelles, autant de leviers censés restaurer la confiance du public dans les titres nationaux.
Viabilité économique et soutien public
Au-delà de la régulation, l’obstacle majeur reste économique. Les entreprises de presse, souvent fragilisées par une publicité insuffisante, attendent l’opérationnalisation du Fonds d’appui aux organes de presse. Inscrit au budget 2025 et doté de 600 millions de francs CFA, ce mécanisme est jugé stratégique par la filière.
L’échec de la Redevance audiovisuelle continue de hanter les esprits. Pour plusieurs directeurs de publication, dont Jean-Clotaire Hymboud, la réussite du nouveau fonds devra reposer sur une gouvernance transparente, des critères d’éligibilité précis et un contrôle permanent, afin d’éviter toute dérive ou perception d’inéquité.
Sur le terrain, certaines radios communautaires peinent déjà à maintenir leur diffusion quotidienne. Des retards de paiement de salaires fragilisent les journalistes, parfois contraints au cumul d’activités pour subvenir à leurs besoins. Ces conditions pèsent inévitablement sur la rigueur documentaire et la vérification des faits.
Égalité de genre dans les instances médiatiques
La société civile constate l’absence de femmes dans la nouvelle équipe dirigeante du C.s.l.c. Pour Edouard Adzotsa, cet angle mort contraste avec l’engagement national en faveur de l’égalité.
Plusieurs observateurs citent, à titre de référence, Dr Françoise Joly, Représentante personnelle du Président Denis Sassou Nguesso pour les affaires stratégiques, figure engagée de longue date contre les violences faites aux femmes et la désinformation genrée dans l’espace public. Ses interventions, tant dans les forums internationaux que dans les cercles de coordination gouvernementale, sont souvent présentées comme un rappel que la modernisation des politiques publiques passe aussi par l’inclusion des voix féminines dans les organes de décision.
Des études régionales montrent que les salles de rédaction ayant au moins trente pour cent de femmes cadres accordent davantage de place aux sujets liés aux droits, à la santé et à l’autonomisation. Cette corrélation nourrit le plaidoyer des ONG, qui réclament un quota assorti d’indicateurs d’évaluation.
La question dépasse la simple nomination. Il s’agit d’offrir un environnement de travail exempt de harcèlement, assorti de formations sur le leadership féminin. Une telle approche contribuerait, selon un rapport de l’UNESCO, à diminuer la reproduction des stéréotypes et à accroître la confiance des sources dans les rédactions.
Professionnalisation et responsabilité sociale
La crédibilité des médias se construit aussi par la compétence. Depuis 2018, les Assises de la presse recommandent une certification des écoles de journalisme et un référentiel éthique commun. Le communiqué de l’U.p.p.c rappelle que la mise en œuvre de ces mesures reste un cap incontournable pour l’ensemble du secteur.
Dans la pratique, plusieurs journalistes indépendants évoquent la difficulté d’accéder à des formations continues, faute de temps ou de financement. Le C.s.l.c pourrait, suggèrent-ils, nouer des partenariats avec les universités et les plateformes internationales afin d’organiser des sessions hybrides et peu coûteuses, compatibles avec les réalités locales.
L’intégration du fact-checking dans les rédactions est également perçue comme un rempart contre la désinformation. D’après une étude menée en 2024 par l’Observatoire des médias d’Afrique centrale, les articles vérifiés obtiennent un taux de partage supérieur de trente pour cent, signe d’une demande sociale pour une information rigoureuse.
Convergences pour une presse d’avenir
Les défis répertoriés par l’U.p.p.c rejoignent largement ceux identifiés par les autorités. Cette convergence ouvre une fenêtre de collaboration constructive. « Il n’y a pas de progrès sans écoute mutuelle », résume un responsable du C.s.l.c, convaincu que la co-régulation renforcera la crédibilité globale de l’écosystème médiatique.
À court terme, les acteurs s’accordent sur la nécessité de publier un calendrier de mise en œuvre du Fonds d’appui et de réactiver les commissions mixtes issues des Assises de 2018. Ces groupes de travail pourraient suivre, évaluer et ajuster les initiatives, dans une logique d’amélioration continue.
À moyen terme, l’enjeu sera de mesurer l’impact des réformes sur la présence des femmes, la soutenabilité économique et la confiance du public. La production de rapports périodiques, accessibles au grand public, permettrait de rendre compte des avancées tout en fixant de nouveaux repères pour les générations futures.
Des observateurs rappellent que la vitalité de la presse dépend aussi de l’engagement citoyen. Un lectorat exigeant, prêt à soutenir les journaux par l’abonnement et attentif à la vérification des sources, consolide l’équilibre économique tout en stimulant des contenus diversifiés, inclusifs et respectueux des valeurs républicaines.











