Une signature bilatérale devenue enjeu multilatéral
Lorsque les présidents Denis Sassou Nguesso et Emmanuel Macron apposaient leurs signatures, le 2 septembre 2019 à Paris, au bas de la Lettre d’intention de l’Initiative pour les Forêts d’Afrique centrale, l’accord Cafi se voulait un moteur de la gouvernance forestière sur l’ensemble du Bassin du Congo. Cinq ans plus tard, l’échéance du 2 septembre 2025 se profile comme un révélateur de la capacité de Brazzaville à transformer ses engagements climatiques en mesures opérationnelles, tout en confortant son image de partenaire fiable auprès des bailleurs internationaux.
Des jalons ambitieux adossés à un financement innovant
Doté d’un portefeuille de plusieurs dizaines de millions de dollars mobilisés auprès de bailleurs diversifiés, Cafi subordonne ses décaissements à la réalisation de cinquante-deux jalons qui couvrent aussi bien l’aménagement du territoire que la gestion durable des forêts, la sécurisation du foncier rural ou le contrôle environnemental dans les secteurs minier et pétrolier. Le schéma de financement par résultats adopté par le Conseil d’administration de Cafi impose une cadence soutenue de réforme que peu d’États peuvent délivrer sans ajustements institutionnels profonds.
Un bilan contrasté mais des signaux de volonté politique
Selon les chiffres consolidés par le ministère de l’Économie forestière, un peu plus de dix pour cent des jalons ont été intégralement atteints tandis qu’une trentaine d’autres enregistrent un niveau d’exécution partiel. La publication du Code forestier révisé, la mise en service du Système national de vérification de la légalité du bois et la formalisation de trente-deux plans d’aménagement dans les concessions septentrionales constituent des avancées notables. Les diplomates en poste à Brazzaville soulignent « la démarche constructive des autorités, en particulier la redynamisation du Comité interministériel de suivi », même si certains textes d’application tardent à sortir du circuit interministériel.
Les goulots d’étranglement administratifs sous la loupe
Les retards proviennent d’abord de la lourdeur des procédures d’adoption réglementaire. Entre la validation technique au sein des directions sectorielles, l’arbitrage du Secrétariat général du gouvernement et la publication au Journal officiel, la trajectoire d’un décret peut excéder douze mois. À cela s’ajoutent des besoins de formation des agents de terrain, soucieux d’intégrer des normes parfois élaborées avec l’appui de consultants internationaux. Le ministère des Finances rappelle, pour sa part, la rigueur imposée par les règles budgétaires de Cafi, lesquelles supposent des audits externes avant toute mise à disposition de fonds.
La société civile, aiguillon vigilant mais partenaire reconnu
Devant la presse, le 30 juin 2025, Nina Cynthia Kiyindou Yombo, directrice exécutive de l’Observatoire congolais des droits de l’homme, a regretté le « rythme poussif » des réformes, tout en saluant « la volonté manifeste du gouvernement de dialoguer avec les plateformes citoyennes ». Les organisations non gouvernementales proposent notamment de simplifier les chaînes de décision et d’accélérer la production des décrets attendus avant la date butoir. Dans les couloirs du ministère de la Justice, plusieurs magistrats évoquent déjà des projets de tribunaux spécialisés dans la criminalité environnementale, preuve que la concertation produit des effets tangibles.
Le cadre diplomatique, garant des synergies régionales
Au-delà des frontières congolaises, Cafi s’inscrit dans l’objectif onusien de réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts. Brazzaville, qui préside actuellement la Commission climat du Bassin du Congo, joue un rôle de plaque tournante entre les capitales de la sous-région. La diplomatie verte congolaise mise sur la mutualisation des données satellitaires et la création d’un marché sous-régional des crédits carbone pour amplifier les retombées économiques de la conservation. Dans ce contexte, l’avancée des réformes nationales devient un indicateur de crédibilité tant à Libreville qu’à Kinshasa.
Des perspectives encourageantes à l’orée de l’échéance
D’ici septembre, le gouvernement prévoit de finaliser le décret d’opérationnalisation du Fonds national pour la biodiversité et de lancer, avec l’appui de la Banque mondiale, un programme pilote de traçabilité numérique du bois-énergie dans le département du Pool. Ces annonces, conjuguées à la révision du schéma d’aménagement du territoire, devraient porter à près de trente pour cent le taux de réalisation globale des jalons. Aux yeux des bailleurs, un tel score, quoique inférieur aux anticipations initiales, témoignerait d’un engagement constant dans un environnement institutionnel complexe.
Entre réalisme économique et impératif écologique
Le Congo-Brazzaville, dont l’économie reste tributaire des hydrocarbures, s’efforce d’inscrire la transition écologique dans une logique de diversification productive. L’exécutif congolais soutient que la sécurisation du foncier rural et la valorisation des produits forestiers non ligneux peuvent, à terme, générer des emplois durables et renforcer la résilience des communautés. Reste à franchir le cap de la publication exhaustive des textes et à mobiliser les financements additionnels annoncés lors du dernier Sommet de Dubaï sur le climat. Les partenaires internationaux observent, chiffres à l’appui, que la déforestation nette a connu un ralentissement mesurable depuis 2021, signe que les inflexions politiques portent déjà des fruits.