Au cœur de Brazzaville, un cap stratégique affirmé
Alors que les rives du fleuve Congo pansent encore les cicatrices laissées par les inondations de 2023, le gouvernement a franchi un nouveau palier en réunissant, du 8 au 10 juillet 2025, experts nationaux, humanitaires et partenaires internationaux afin de sceller la version révisée de la Stratégie nationale de relèvement post-catastrophes et de préparation aux crises futures 2025-2030. « Nous devons convertir l’épreuve en opportunité de modernisation », a souligné Carine Ibatta, directrice de l’assistance humanitaire, en ouvrant les travaux (ministère des Affaires sociales). Signe d’une concertation nourrie, la salle mêlait représentants de la Croix-Rouge, consultants du PNUD et hauts fonctionnaires, tous déterminés à arrimer la République du Congo à l’agenda mondial de la réduction des risques.
Vers une résilience nationale consolidée
Le document validé trace une perspective claire : d’ici 2030, chaque catastrophe devra se solder par un relèvement rapide, équitable et durable, afin d’éviter l’enlisement de poches de vulnérabilité. L’accent est mis sur la reconstruction d’infrastructures sociales—hôpitaux, écoles, logements—à la fois plus sûres et plus inclusives, tout en rénovant les axes routiers et les points d’accès à l’eau pour garantir la continuité des services essentiels. Dans les couloirs du Palais des congrès, Joseph Pihi, conseiller résilience du PNUD, insistait sur « la nécessité de penser le relèvement comme un accélérateur de développement local », rappelant qu’une route rehaussée ou un forage solaire ne répondent pas seulement à l’urgence, mais préparent déjà la prochaine saison des pluies.
La dimension sociale occupe une place cardinale. La stratégie intègre l’approche genre et la protection des personnes en situation de handicap, convaincue qu’une société laisse entrevoir son niveau de résilience dans la manière dont elle protège ses franges les plus fragiles. En harmonisant l’action gouvernementale avec celle des ONG communautaires, le texte veut passer d’un relèvement centré sur l’infrastructure à un relèvement centré sur l’humain.
Un socle normatif inspiré du cadre de Sendai
Le canevas congolais s’aligne explicitement sur le cadre d’action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030. Il reprend le principe d’une alerte précoce multirisque, d’une cartographie dynamique des menaces et d’une répartition clarifiée des responsabilités institutionnelles. En pratique, cela se traduira par le déploiement de stations hydrométéorologiques supplémentaires, connectées à un centre national de données, et par la révision des plans de contingence provinciaux. L’ambition affichée consiste à raccourcir le délai entre alerte et réaction, plaçant ainsi la prévention sur le même plan que la réponse d’urgence.
L’arrimage à Sendai confère à la stratégie une légitimité internationale et facilite l’accès aux financements climat. Pour le diplomate d’une agence onusienne présent à l’atelier, « le Congo démontre qu’il ne souhaite pas simplement recevoir de l’aide, mais qu’il souhaite se positionner comme acteur responsable, moteur d’une planification régionale de la résilience ».
Des ambitions budgétaires à la hauteur des enjeux
Évalué à 156,7 milliards FCFA pour la première tranche 2025-2026, le coût de la stratégie suscite un double commentaire. D’un côté, il illustre la prise de conscience gouvernementale quant à l’ampleur des risques ; de l’autre, il questionne la capacité de mobilisation rapide de ressources dans un contexte macroéconomique encore marqué par la volatilité des cours pétroliers. Les autorités tablent sur un pool financier qui fédère l’État, le PNUD, les agences spécialisées et le secteur privé. « La clé réside dans la prévisibilité, non dans l’aumône », a rappelé un économiste du Trésor congolais, plaidant pour une programmation budgétaire pluriannuelle afin de ne pas sacrifier les chantiers à mi-parcours.
La gouvernance des risques en mutation
Au-delà des chiffres, l’atelier de Brazzaville a consacré une refonte discrète de la gouvernance des risques. Il est prévu de consolider le Centre national de gestion des catastrophes, de l’ériger en véritable cheville ouvrière interministérielle et d’adopter un décret précisant la chaîne de commande depuis la commune jusqu’au sommet de l’État. Les autorités entendent ainsi éviter les chevauchements de missions observés lors des crues de 2023.
La société civile obtient, quant à elle, un rôle plus formel dans la remontée d’informations de terrain. Cette ouverture, saluée par plusieurs ONG locales, devrait renforcer la légitimité des mesures de relogement et encourager l’appropriation communautaire des infrastructures résistantes. Le dialogue permanent avec les populations riveraines du fleuve apparaîtra indispensable pour anticiper les déplacements liés à la montée des eaux et limiter les tensions foncières.
Un suivi-évaluation au cœur de la confiance
Consciente des difficultés récurrentes observées dans le passé, la stratégie prévoit un dispositif de suivi-évaluation trimestriel articulé autour d’indicateurs de progrès précis : pourcentage d’écoles adaptées aux normes antisismiques, délai moyen de réhabilitation des ponts, part d’exploitations agricoles ayant accès à un crédit post-sinistre. Les rapports seront publics et soumis au contrôle conjoint du ministère des Finances et du PNUD. Cette transparence devrait, à terme, soutenir l’effort de mobilisation des partenaires techniques et financiers.
Un pari collectif pour la décennie
La validation de la RNLP-Congo matérialise le volontarisme d’un État soucieux de protéger ses citoyens tout en consolidant sa trajectoire de développement. Elle traduit aussi une diplomatie de la résilience où Brazzaville, loin de s’isoler, capitalise sur les expertises multilatérales pour bâtir une réponse à la mesure des changements climatiques. Reste désormais à ancrer cette stratégie dans la durée, à sécuriser les financements et à veiller à la cohérence des interventions sur l’ensemble du territoire. Si le défi paraît ambitieux, il est à l’image de la stature que le Congo-Brazzaville entend occuper à l’horizon 2030 : celle d’une nation capable de transformer chaque choc en tremplin vers une prospérité inclusive et durable.