Seize signatures et un pari, l’opposition se lie

Opposition congolaise en quête de cohésion politique

Dans la chaleur humide d’un après-midi de juillet à Brazzaville, seize formations politiques se sont retrouvées sous les lambris d’un hôtel du centre-ville pour parapher ce qu’elles qualifient de « Manifeste de l’opposition politique congolaise ». L’Union panafricaine pour la démocratie sociale, le Mouvement pour l’unité, la solidarité et le travail ou encore le Parti républicain, parmi d’autres, entendent ainsi offrir au champ politique national une architecture plus lisible de l’alternance (Agence Congolaise d’Information, 16 juillet 2023).

Selon Pascal Tsaty Mabiala, premier secrétaire de l’UPADS, « l’heure n’est plus à la dispersion des forces, mais à l’agrégation des intelligences ». Cette déclaration résume l’esprit d’un document dont l’objectif premier est de dépasser les querelles d’appareils et de présenter à la majorité présidentielle un interlocuteur unique, structuré et capable de négocier, voire de co-construire, des réformes consensuelles.

Un manifeste comme socle d’une stratégie institutionnelle

Le texte rappelle d’emblée que l’opposition dispose, en droit, de prérogatives constitutionnelles qu’il convient d’exercer « de manière responsable et dans l’intérêt supérieur de la Nation ». Les signataires entendent s’appuyer sur la loi relative aux partis politiques pour consolider la paix civile, encourageant le renforcement du pluralisme sans remettre en cause la stabilité républicaine incarnée par les institutions actuelles.

En filigrane, il s’agit de substituer à la critique systématique une démarche programmatique. « Nous voulons passer d’une posture d’alerte à une posture de proposition », confie un membre du MUST, soulignant que l’opposition gagnerait en crédibilité en parlant d’une seule voix sur les enjeux socio-économiques.

Dialogue démocratique et contexte institutionnel

Depuis le référendum constitutionnel de 2015, le Congo-Brazzaville s’est doté d’un cadre juridique définissant clairement le statut de l’opposition. Les signataires en prennent acte et réaffirment leur adhésion à l’ordre institutionnel, tout en plaidant pour un perfectionnement continu du dispositif électoral. Le gouvernement, pour sa part, a maintes fois exprimé sa disponibilité au dialogue, notamment lors des concertations politiques tenues en 2021 et 2022.

Le manifeste insiste sur la nécessité d’une Commission nationale électorale renforcée, dotée de moyens techniques modernes et d’un ancrage territorial permettant de réduire les zones de friction. Cette approche rejoint l’axe de stabilité prôné par les autorités, soucieuses de préserver la paix sociale dans un contexte régional souvent chahuté.

Enjeux environnementaux et diplomatie climatique

Fait notable, le document réserve un chapitre entier à la préservation de la biodiversité. Dans un pays dont les tourbières stockent trois années d’émissions mondiales de CO₂, l’enjeu dépasse les clivages partisans. Les partis signataires déclarent vouloir « renforcer l’image de responsabilité écologique de l’opposition », tout en saluant les initiatives gouvernementales, telles que la création récente du Fonds bleu pour le bassin du Congo, appuyé par plusieurs partenaires internationaux.

Cette convergence sur la question climatique témoigne d’une maturité politique : reconnaître les avancées du pouvoir en place ne nuit pas à la singularité d’une opposition qui, au contraire, se crédibilise en adoptant une approche d’émulation plutôt que de confrontation.

Vers un pacte républicain et une gouvernance électorale rénovée

Au cœur du manifeste figure la proposition d’un pacte républicain, présenté comme un « nouveau contrat social » capable de mobiliser l’ensemble des sensibilités nationales autour d’objectifs de développement inclusif. L’idée s’inscrit dans la tradition de compromis chère à la culture politique congolaise, où la recherche de la paix civile a souvent primé sur l’âpreté du débat.

Les partis plaident, en outre, pour la composition paritaire des bureaux de vote, un toilettage du fichier électoral et une plus grande transparence du financement de la vie politique. Autant d’orientations déjà esquissées dans divers rapports parlementaires, que les signataires souhaitent voir concrétisées lors des prochaines sessions législatives.

Réformes structurelles et stabilité sociopolitique

Analystes et diplomates s’accordent : le Congo-Brazzaville aborde une phase charnière où la consolidation macro-économique doit s’arrimer à une gouvernance plus participative. Le manifeste, loin de porter atteinte à l’autorité du président Denis Sassou Nguesso, souligne la complémentarité entre pouvoir exécutif et contre-pouvoirs institutionnels dans l’atteinte des Objectifs de développement durable.

« La mutation de l’opposition doit s’adosser à un cadre normatif stable », affirme le constitutionnaliste Ulrich Ebina de l’Université Marien-Ngouabi. Dans cette perspective, l’harmonisation des discours entre majorité et opposition pourrait constituer un gage de crédibilité vis-à-vis des partenaires financiers et des bailleurs de fonds.

Perspectives régionales et partenariats internationaux

Dans un environnement géopolitique marqué par les transitions militaires chez certains voisins, la normalité institutionnelle congolaise apparaît comme un capital diplomatique. Les seize partis veulent s’en saisir afin de défendre, auprès de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, l’idée d’un pluralisme constructif. Ils jugent que la crédibilité d’une opposition responsable peut renforcer l’influence du Congo sur les dossiers de sécurité transfrontalière et d’intégration économique.

À terme, la structuration de l’opposition pourrait se muer en atout pour la diplomatie parlementaire, offrant aux partenaires étrangers un interlocuteur additionnel, mais non antagoniste, capable de relayer les priorités nationales au-delà des cycles électoraux.

Entre responsabilité citoyenne et maturité politique

Les signataires concluent en appelant la société civile à s’approprier le manifeste. Dans une capitale où se superposent les défis de l’urbanisation rapide et de la résilience économique post-pandémie, la promotion du civisme apparaît comme le complément indispensable d’une offre politique renouvelée.

De nombreux observateurs y voient une étape décisive : si l’opposition parvient à transformer ce texte en actions mesurables, elle participera à la densification de l’espace public sans rompre l’équilibre institutionnel. En d’autres termes, l’expérience congolaise pourrait illustrer qu’il existe, sous les tropiques, une voie médiane entre immobilisme et contestation, où s’inventent des formes inédites de coopération démocratique.