Publié par 14h15 Actualités

Sommet de Dakar: la voix des filles africaines

Brazzaville affine sa contribution

A Brazzaville, la salle de conférence du ministère de la Jeunesse a bruissé deux jours durant des échanges denses qui précèdent le sommet « Par les filles et pour les filles ». Responsables publics, sociétés civiles et adolescentes ont confronté leurs idées pour préparer la position congolaise.

L’atelier, organisé les 19 et 20 août sous le patronage conjoint des ministères de la Jeunesse et de la Promotion de la femme, a souligné la volonté des autorités de faire des jeunes filles des actrices à part entière des politiques publiques, conformément aux engagements internationaux déjà ratifiés.

Des priorités exprimées par les adolescentes

Invitées à s’exprimer sans filtre, les adolescentes venues de quartiers périphériques ou de zones rurales ont insisté sur la nécessité d’un accès sûr à l’éducation secondaire, souvent entravé par les distances, le coût des fournitures ou les obstacles culturels qui persistent malgré les campagnes de sensibilisation.

Elles ont également réclamé une meilleure orientation professionnelle, jugeant crucial que les programmes de formation technique intègrent enfin les secteurs numériques et scientifiques, domaines porteurs susceptibles d’accroître leur autonomie économique et de changer les représentations sociales qui limitent encore leurs aspirations.

Un agenda centré sur les droits et la protection

Le futur sommet de Dakar, programmé les 10 et 11 octobre, prévoit des ateliers thématiques sur le mariage précoce, les mutilations génitales féminines et les violences en ligne. L’objectif officiel est de dégager des engagements mesurables et financés par les États membres et leurs partenaires.

Un traitement spécifique sera accordé aux adolescentes vivant avec un handicap, souvent invisibilisées dans les statistiques. Le cadre de Dakar entend documenter leurs expériences quotidiennes afin de proposer des dispositifs adaptés, qu’il s’agisse d’infrastructures accessibles ou de matériel pédagogique inclusif dispensé dans les langues locales.

Les organisateurs promettent également une tribune pour celles qui ne sont plus scolarisées, que ce soit en raison de la grossesse, du travail domestique ou des déplacements liés aux conflits. Leur parole devrait alimenter les recommandations sur les passerelles éducatives et les mécanismes de réintégration.

Selon la sociologue Ida Mampouya, présente à l’atelier de Brazzaville, « mettre l’accent sur la protection suppose aussi de désigner clairement les responsabilités parentales et institutionnelles ». Elle estime que le sommet pourra servir de catalyseur pour harmoniser les cadres législatifs déjà existants au niveau continental.

Le rôle clé de l’Unicef et des partenaires

Le Fonds des Nations unies pour l’enfance pilotera plusieurs sessions méthodologiques, capitalisant sur son expérience en matière de mobilisation communautaire. L’agence affirme vouloir privilégier des formats participatifs où les filles conçoivent elles-mêmes les messages, jugés plus efficaces que les campagnes descendantes.

Parallèlement, des organisations régionales comme l’Union africaine de la jeunesse apportent un appui technique pour la collecte de données comparables. Ces indicateurs devraient permettre d’évaluer, dans la durée, si les engagements pris à Dakar se traduisent concrètement par des budgets et des programmes ajustés.

Entre avancées et défis persistants

Sur le continent, les progrès sont tangibles, rappellent les observateurs : scolarisation primaire quasi paritaire, ratification de la Charte africaine des droits de l’enfant, adoption de lois contre les violences sexistes. Pourtant, l’écart se creuse au secondaire et les normes sociales évoluent lentement.

Au Congo, un rapport du ministère des Affaires sociales souligne que 29 % des filles de 15 à 19 ans se déclarent déjà engagées dans une union. Les intervenants de l’atelier ont salué les campagnes médiatiques récentes, tout en réclamant une présence accrue des services sociaux de proximité.

La juriste Grace Ngoma rappelle toutefois que la réforme législative reste une étape, non une panacée : « Le vrai défi sera l’application rigoureuse, notamment dans les zones rurales où les tribunaux sont éloignés ». Selon elle, la formation des chefs coutumiers constitue un levier déterminant.

Une dynamique continentale inclusive

Au-delà de l’événement de Dakar, plusieurs capitales africaines prévoient de diffuser en direct certaines sessions afin d’élargir la participation. Les réseaux de jeunes rapporteurs formés à Brazzaville relayeront les débats sur les plateformes numériques les plus utilisées par les adolescentes congolaises.

Cette mobilisation numérique est perçue comme un moyen de contourner les restrictions liées au coût des déplacements. Elle offre également aux filles une expérience concrète du plaidoyer international, renforçant leur confiance et leur capacité à dialoguer d’égal à égal avec les décideurs nationaux et régionaux.

En dernière analyse, le sommet vise à traduire la participation symbolique des adolescentes en influence réelle sur les politiques publiques. Les délégations, dont celle du Congo, s’engagent à rendre compte publiquement, dans un an, de la mise en œuvre des recommandations issues de Dakar.

Observateurs et acteurs s’accordent pour dire que l’appropriation locale conditionnera le succès. « Dakar ne sera qu’un point de départ », note le pédagogue Joseph Obambi ; il plaide pour des budgets municipaux dédiés aux clubs de filles, espaces où se consolide l’engagement civique quotidien.

Visited 10 times, 1 visit(s) today
Étiquettes : , , , , Last modified: 27 août 2025
Close Search Window
Close