Sport congolais : le pari discret des PPP

Le rappel présidentiel et l’urgence patrimoniale

Le 16 juillet 2025, la séance du Conseil des ministres a pris des accents d’examen de conscience. Devant son équipe gouvernementale, le président Denis Sassou Nguesso a souligné « le caractère préoccupant de la dégradation avancée des infrastructures issues des Jeux africains ». Dans la foulée, une task-force interministérielle a été créée sous l’autorité du Premier ministre. Loin d’être purement technique, cette initiative constitue un signal politique : le patrimoine sportif n’est plus appréhendé comme un simple poste de dépenses, mais comme un actif stratégique dont la pérennité renvoie à la crédibilité de l’action publique.

Une cartographie d’équipements hors normes

Au cœur de cet héritage se trouve le Complexe sportif de la Concorde, dans la commune de Kintélé. Stade olympique de 60 000 places, palais des sports, complexe nautique et unités hôtelières composent un ensemble unique en Afrique centrale. Monté dans le cadre des programmes de municipalisation accélérée, l’équipement matérialise l’ambition nationale de modernisation du tissu urbain. À côté de Kintélé, les stades départementaux, les gymnases polyvalents et les centres d’entraînement disséminés sur le territoire témoignent de la volonté de mailler l’espace national. Ce parc, évalué à plusieurs centaines de milliards de francs CFA, confère au Congo une visibilité sportive que de nombreux voisins lui envient.

La fragilité du modèle post-événementiel

Pourtant, comme dans nombre de pays émergents, l’économie du post-événementiel s’est révélée délicate. Dès 2018, un rapport ministériel relevait des pannes électriques récurrentes, des terrains synthétiques grignotés par la chaleur équatoriale et des équipements techniques livrés aux intempéries. Les actes de vandalisme recensés en 2022 au sein du Complexe de la Concorde ont aggravé le diagnostic. Faute de programmation sportive régulière et de modèles d’affaires adaptés, l’amortissement budgétaire n’a pas suivi le rythme escompté. L’argument budgétaire revient alors avec insistance : entretenir un stade olympique requiert, chaque année, l’équivalent d’un lycée de taille moyenne.

Les partenariats publics-privés, vecteurs de durabilité

C’est dans ce contexte que se dessine le recours à des partenariats publics-privés (PPP). Ces derniers permettent de transférer, pour partie, la charge d’exploitation et de maintenance à des opérateurs aguerris, tout en assurant la tutelle de l’État sur l’actif stratégique. Les exemples récents de stades en Afrique australe, où l’ingénierie financière associe billetterie, naming et développement de zones commerciales, fournissent des matrices inspirantes. Pour le sociologue des organisations sportives Amadou Dia, « le PPP crée une incitation continue à faire vivre l’équipement, car la rentabilité dépend de la fréquentation ».

Garanties institutionnelles et gouvernance partagée

La faisabilité d’un PPP repose cependant sur la robustesse normative. La loi congolaise de 2017 relative aux contrats de partenariat offre déjà un cadre juridique, complété par le guichet unique de l’Unité de gestion des PPP au ministère des Finances. Pour attirer les investisseurs, les spécialistes recommandent d’y adjoindre des garanties sur la durée des concessions, la lisibilité des tribunaux arbitraux régionaux et la transparence comptable. À Brazzaville, on souligne que la présence d’une task-force ministérielle constitue, à cet égard, une assurance collective : elle promet un suivi interministériel, gage de stabilité politique.

Capital social et diplomatie du sport

Au-delà des considérations pécuniaires, le maintien d’installations de haut niveau s’inscrit dans une dynamique de soft power. Les grandes enceintes favorisent l’attractivité des compétitions régionales, la circulation des athlètes et la tenue de forums économiques. Les initiatives de la Confédération africaine de football, qui conditionne l’homologation des stades aux normes de sécurité, illustrent la corrélation entre diplomatie sportive et positionnement géopolitique. Dans cette perspective, la décision présidentielle apparaît comme un acte de projection internationale : le Congo ambitionne de demeurer un hôte crédible d’événements continentaux, tout en cultivant le sentiment national d’appartenance au travers du sport.

Vers une économie sportive inclusive

Les acteurs privés pressentis ne sont pas uniquement des groupes de BTP ou des gestionnaires d’arénas. Les fédérations sportives, les start-ups spécialisées dans la billetterie numérique et les établissements d’enseignement technique peuvent être parties prenantes. Un haut fonctionnaire confie qu’« il n’y aura pas de partenariat durable sans implication des communautés riveraines ». Les schémas envisagés intègrent donc des clauses de responsabilité sociétale : programmes de formation pour les jeunes, incubateurs sportifs, accès préférentiel aux associations locales. À terme, la chaîne de valeur pourrait générer des emplois pérennes et consolider le tissu entrepreneurial national.

Une fenêtre d’opportunité stratégique

En dotant la task-force d’un calendrier serré – les premières consultations de marché pourraient intervenir avant la fin de l’année – l’exécutif entend transformer une contrainte patrimoniale en horizon économique. La dette contractée pour l’édification des stades trouverait ainsi un relais de remboursement via les recettes d’exploitation. Surtout, l’engagement des opérateurs privés introduirait une culture de la performance susceptible d’irriguer d’autres segments de l’action publique. La matérialisation de ces ambitions dépendra de la capacité des parties prenantes à traduire, dans les cahiers des charges, l’équilibre délicat entre service public, rentabilité et rayonnement international.